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lieux communs (et autres fadaises)

19 avril 2024

sans drillon 7

Au Japon
On aime la langue française – un peu employée au hasard, il faut l’admettre, par des boutiques à la mode ou des marques :
« Comme ça blanc d’œuf » (magasin de vêtements)
« Petit bit » (marque de gommes à mâcher)
« Jouir de bijou » (magasins de colifichets)
« Ruisselant de joie » (marque de lait)
« Co-labo » (enseigne de café)
La dernière est assez jouissive :
« Femme fontaine » (marque de perruques).

*

Les gens qui tendent leur télécommande au maximum, à bout de bras, vers la télévision, pour que la bête entende mieux le message.

*

– Vous avez très mauvaise mine, et pourtant vous riez.
– Je sors de l’hôpital. On m’a fait une coloscopie. L’anesthésie m’a laissé un peu groggy.
– C’est douloureux ? Pourquoi riez-vous ?
– Non, pas douloureux. La préparation est pénible. Il faut laver le côlon, voyez-vous. Le laver très bien ! Pour qu’ils y voient quelque chose. On vous demande donc de boire, dans l’après-midi de la veille, deux litres d’une boisson infâme, et en une heure. Deux litres en une heure ! Et de recommencer le soir après dîner… On passe la nuit à rejeter tout ça. Pas drôle. C’est à vous dégoûter pour la vie de boire une goutte de quelque liquide que ce soit.
– Alors pourquoi riez-vous ?
– Parce que je repense à ce que j’ai lu sur la notice du médicament qu’on dissout dans l’eau, dans toute cette eau qui vous gonfle le ventre.
– Et qu’avez-vous lu, qui vous fait rire ?
– Dans la liste des effets indésirables du médicament, il y en a un qu’on n’attend pas.
– Et qui est ?
– La soif. Oui, monsieur, la soif.

*

Ce fort des halles catalan, dans le film de Bigas Luna, qui casse des noix dans le pli de son coude, rien qu’en repliant le bras.

*

Claudio Magris, qui raconte à propos de Sissi : « Il y avait aussi [en elle] la poétesse, auteur d’un grand nombre de poèmes délicats et vaporeux, dont les vers, boiteux, lui étaient selon elle dictés de l’au-delà par Heine, par l’entremise d’un médium dont elle utilisait les services. Ce qui avait inspiré à un conseiller de la cour cette remarque spirituelle, malheureusement restée anonyme : “Force est de constater que Heine écrit moins bien depuis qu’il est mort.” »

*

Les saligauds qui prennent des After Eight et laissent, vides dans la boîte, les petites enveloppes noires. On croit qu’il y en a encore, et soudain la boîte est vide.

*

Avant le vêlage, on entre son bras dans la vache, on sent le museau du veau ; si on lui tend un doigt, il se met à téter.

*

Les belles étymologies.
Une cagne est un mauvais chien, notamment un chien paresseux. De là un cagneux, un paresseux. On a donc appelé cagneux les candidats au concours de l’École Normale Supérieure, connus pour passer deux ans dans une intensive oisiveté. Piqués, ils ont caché le terme moqueur sous une orthographe pseudo grecque : khâgne, khâgneux.

*

Pour s’informer auprès du fisc sur le « droit à l’erreur », il faut se connecter sur un site nommé oups.gouv.fr. Oups, oui, oups.

*

Le torchon, qui brûle entre les lesbiennes et les transsexuels – autrefois unis comme les doigts de la main dans une même série de consonnes : LGBT et la suite. Les lesbiennes reprochent aux hommes devenus femmes de se jeter sur le maquillage, les jupes moulantes, les cheveux permanentés, les talons aiguilles, autrement dit d’entretenir les pires stéréotypes sexistes. Si c’est pour rester hommes, répliquent-ils·elles, c’était pas la peine de se faire opérer.
En sorte que le torchon brûle aussi entre transsexuels : il y a ceux qui font tout pour avoir l’air de femmes, et ceux qui revendiquent une apparence de transsexuels : mâchoire carrée, rasage approximatif…
La question est : doit-on, peut-on, admettre des femmes trans dans les réunions de féministes femmes ? C’est un dilemme atroce. Il avive la querelle des féministes universalistes et des féministes intersectionnels…
Peut-on, doit-on, admettre les anges dans ce type de réunion, alors qu’on ne sait toujours pas de quel sexe ils sont ? Créons dans les universités, pour répondre à cette question, les angel studies.

*

Patrick Besson, qui se demande « quel missionnaire a eu l’idée de la position ».

*

Les plantes grasses, qui aiment une chose par-dessus tout : qu’on les oublie.

*

Personne ne sait
Ce que signifie « discours amoureux », dans le titre de Barthes Fragments d’un discours amoureux. À quoi cela peut-il bien ressembler, un discours amoureux, même fragmenté ou fragmentaire ?  Comment un discours peut-il être amoureux ? On se perd en conjectures.

*

Bach, cantate BWV 197 :

Bien entendu, il ne faudrait pas prendre le post-copulationem pour le post-coïtum. Il s’agit ici de la « réunion du chrétien et de l’Église », et voilà tout d’un coup que le soufflé retombe. Post copulationem, animale triste.

*

Le moment de l’année où l’on trouve en même temps des cerises, des fraises et des framboises.

*

Les gens dont on découvre qu’ils étaient encore vivants quand on apprend qu’ils viennent de mourir.

*

Prière d’insérer des Contes du chat perché, de Marcel Aymé :
« Ces contes ont été écrits pour les enfants âgés de quatre à soixante-quinze ans. Il va sans dire que par cet avis, je ne songe pas à décourager les lecteurs qui se flatteraient d’avoir un peu de plomb dans la tête. Au contraire, tout le monde est invité. Je ne veux que prévenir et émousser, dans la mesure du possible, les reproches que pourraient m’adresser, touchant les règles de la vraisemblance, certaines personnes raisonnables et bilieuses. À ce propos, un critique distingué a déjà fait observer, avec merveilleusement d’esprit, que si les animaux parlaient ils ne le feraient pas du tout comme ils le font dans les Contes du chat perché. Il avait bien raison. Rien n’interdit de croire en effet que si les bêtes parlaient, elle parlerait de politique ou de l’avenir de la science dans les îles Aléoutiennes. Peut-être même qu’elles feraient de la critique littéraire avec distinction. Je ne peux rien opposer à de semblables hypothèses. J’avertis donc mon lecteur que ces contes sont de pures fables, ne visant pas sérieusement à donner l’illusion de la réalité. Pour toutes les fautes de logique et de grammaire animales que j’ai pu commettre, je me recommande à la bienveillance des critiques qui, à l’instar de leur savant confrère, se seraient spécialisés dans ces régions-là.
Je ne vois rien d’autre à prier qu’on insère
M. A. »

*

 

18 avril 2024

séance double chérie / chérie

053
SIDONIE AU JAPON
d’Élise Girard

(première séance) La grande Isabelle Huppert en écrivaine en visite au pays du soleil levant, du matin calme, et des cerisiers en fleurs, en compagnie de Kenzi Mizoguchi ("c'est un nom très commun au Japon"), son éditeur. D'hôtel en hôtel (c'est un tour promotionnel), de voiture en voiture (avec des cerisiers en fleurs par la vitre arrière), elle va faire la rencontre du fantôme de son défunt mari (un peu taquin, au début) "parce que c'est le Japon". Un film joliment atone, à l'image de son interprète principale (spoil : on la verra quand même sourire, à la fin), accompagné d'un joli piano mélancolique. ("Au Japon, on ne dit pas "J'ai envie de faire l'amour avec toi", on le fait..."). Plaisant, élégant, charmant (même drôle, par moments, assez souvent même), mais bon  un peu moumou quand même (Dominique dirait "deux de tension", je pense...). En tout cas un peu trop (re)tenu. Comment guérir le chagrin, comment "faire son deuil" en n conversations (l'éditeur japonais parle tout du long en français, et ça rajoute incontestablement au charme du film) et le fantôme du mari aussi parle avec un léger accent. Et c'est étonnant de voir Isabelle H. avec au pied des baskets lumineuses comme les gosses.
Au scénario (outre la réalisatrice) : Sophie Fillières et Maud Ameline.

054
LAISSEZ-MOI
de Maxime Rappaz

(deuxième séance) La grande Jeanne Balibar en couturière à domicile (avec une blouse à carreaux très Jeanne Dielman), mère d'un fils polyhandicapé, (Pierre-Antoine Dubey, impressionnant) qui prend le train (et le téléphérique) une fois par semaine, pour batifoler, dans un hôtel,  avec un homme, chaque fois différent, pour une nuit, sans lendemain. Elle s'occupe de son fils, qu'elle aime visiblement beaucoup, le reste du temps. Une routine bien établie (on se demande, au bout d'un moment, ce qui pourrait advenir pour la faire "dérailler", mais, on est dans un film, c'est normal, ça finit par advenir, et je ne vous en dirai pas davantage...).
Un film étrange, très connoté suisse, de plus en plus touchant, jusqu'à devenir bouleversant (et qui résonne longtemps dans la tête). Accompagné aussi, coïncidence, par un autre joli piano mélancolique, dont la dernière note résonnera longtemps après la fin du générique... Balibar est sublimissime, d'un bout à l'autre.
Pour le scénario (outre le réalisateur), le dossier de presse précise : avec la collaboration de Marion Vernoux et la participation de Florence Seyvos. (Quelle est la nuance ?)
Un film passé à la sauvette au Victor Hugo (3 séances à 15h40 et basta) et qu'on pourra j'espère reprendre dans le bôô cinéma
Top 10 pour la folle balibaritude.

 

17 avril 2024

axolotls et lucioles

(pour Philou, bien sûr)

"Le lac de Pátzcuaro est l’un des plus importants du Mexique, il couvre une superficie de 260 km², des îles émergent à la surface. Les Purépechas qui vivent là depuis plus de mille ans ont développé une culture pour laquelle la pêche et les forêts étaient primordiales. Ce printemps le lac est à son plus bas niveau jamais enregistré, il est en train de mourir. Les nappes phréatiques s’assèchent, l’érosion continue, des eaux nauséabondes et noires se déversent sans discontinuer.

Pour faire une enquête vraiment documentée, il faudrait que je risque ma vie, comme le font de nombreux journalistes mexicains qui travaillent sous la menace constante pour dénoncer la corruption du pays. Je resterai donc un peu vague, un peu schématique, mais je crois qu’on connaît cette chanson, qui se répète partout dans le monde.

Le Michoacán est une région agricole. C’est aussi une région dominée par plusieurs cartels puissants qui se servent de la culture de l’avocat et d’autres plantations rentables, comme la framboise, pour laver l’argent de la drogue et autres trafics et doubler leurs mises dans des exportations vers les États-Unis. L’avocat a besoin de beaucoup d’eau pour pousser. Donc, après avoir déforesté pour semer, on se sert dans des puits profonds dont le débit n’est pas contrôlé par les autorités. Il y a des lois mais on a trop peur de les faire respecter. Ceux qui essaient sont menacés, violentés, assassinés. C’est un cas parmi d’autres de la violence extractiviste qui se vit partout en Amérique latine, depuis les mines d’or ou de lithium, jusqu’aux produits de la mer ou de la forêt.

Ce lac, habitat de nombreuses espèces, a été pendant longtemps le dernier refuge d’un animal endémique fascinant, source de légendes et rêveries, l’achoque, une variété particulière d’ajolote ou axólotl (Ambystoma dumerilii). Cortázar raconte dans une nouvelle comment il a rencontré cet étrange batracien, de la taille d’un lézard, au corps translucide et à la tête triangulaire, aux yeux dorés, sans paupières, dans un aquarium du Jardin des plantes. Ces êtres immobiles et lents, qui ne font que regarder et penser, lui donnent l’intuition qu’il existe une vie différente, une autre façon de regarder. Dans le lac de Pátzcuaro, il arrive encore que des pêcheurs tombent sur l’un d’entre eux. Ils l’amènent alors chez les sœurs dominicaines qui, depuis cinquante ans, entretiennent un extravagant et désuet laboratoire d’élevage dans leur couvent derrière la basilique. Les scientifiques qui étudient cette salamandre préhistorique pour ses mystérieuses capacités régénératrices s’étonnent que dans des conditions si précaires ces femmes aient pu reproduire et maintenir en vie un être aussi fragile. Pour financer leur aquarium, et par tradition, elles en tuent quelques-uns pour faire un sirop réputé avoir des propriétés sur les maladies pulmonaires. Elles ont bien essayé de les réintroduire dans le lac une fois adultes mais ils ne survivent pas dans une eau si peu cristalline.

Quand je suis arrivée dans la région, il y a une quinzaine d’années, au début de la saison des pluies, on pouvait observer des myriades de lucioles. On peut rester là longtemps à se demander si leur scintillement veut dire quelque chose, si les insectes s’envoient des messages entre eux, ou si c’est juste une projection de notre part. Dans le sud de la France, quand j’étais petite, j’en ai vu quelques-unes. Maintenant c’est fini, il n’y en a plus. Ici non plus bientôt, il n’y aura plus de lucioles. Plus de lac, plus de lucioles, plus d’axolotl, si ce n’est en captivité dans des aquariums.

«Qu’est-ce qu’on perd quand on perd l’ajolote ?» demandait José Emilio Pacheco. Ce sera à nous, et à ceux qui viennent après nous, malheureusement pour eux, de répondre à cette question."
(Neige Sinno, Le Libé des écrivains)

 

16 avril 2024

sans drillon 6

La manière abrupte dont Racine commence une tragédie. Huit premières phrases :
« Le dessein en est pris : je pars, cher Théramène » (Phèdre)
« Arrêtons un moment » (Bérénice)
« On nous faisait, Arbate, un fidèle rapport » (Mithridate)
« Quoi ! tandis que Néron s’abandonne au sommeil,
Faut-il que vous veniez attendre son réveil ? » (Britannicus)
« Viens, suis-moi » (Bajazet).
Le spectateur est pris dans un mouvement qui a commencé bien avant le début, saute dans le train en marche. Noter la dilection de Racine pour un premier vers qui est une réponse à une question, prononcée ou imaginaire, mais posée avant le lever du rideau :
« Oui, je viens dans son temple adorer l’Éternel » (Athalie)
« Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle » (Andromaque)
« Oui, c’est Agamemnon, c’est ton roi qui t’éveille » (Iphigénie).
C’est ce que Péguy appelle l’« attaque en falaise ».

*

Les obsolètes : le fichu de plastique transparent qu’on portait pour se protéger de la pluie, et qui se repliait d’un seul coup en accordéon lorsqu’on tirait sur les deux cordons. L’objet s’appelait une caroline. 

*

Les belles étymologies
« Achtung bicyclette ! » C’était sous l’Occupation. Les Allemands placardaient des affiches ainsi titrées : « Achtung ! Bekanntmachung » (attention ! avis). On savait ce que voulait dire Achtung, mais Bekanntmachung était obscur. On a commencé par dire « bécane machin », puis « bécane », puis « bicyclette ».
Variante : « Achtung bicyclette pompe à vélo ! »
Variante : « Achtung cibyclette ! »

*

Le mécontentement des producteurs du Mépris. Antoine de Baecque raconte (Godard, biographie, Pluriel) que le cinéaste finit par céder à leurs exigences, et signer avec eux un contrat, le 16 octobre 1963,
« qui prévoit l’adjonction de « trois scènes complémentaires d’une durée totale qui ne saurait être inférieure à six minutes et ne saurait excéder dix minutes », dont le tournage devra être « terminé au plus tard le 30 novembre 1963 ». Le cinéaste doit présenter auparavant un « développement détaillé, si possible plan par plan », avant le 24 octobre. Pour sceller cet accord, le 23 octobre, les producteurs lancent une campagne de publicité dans le métro parisien, affichant Bardot sur les murs et faisant monter l’attente du film.
« Godard a dû céder, et dépose à la date prévue une description extrêmement précise des trois scènes « où la personnalité de Bardot sera mise en valeur surtout d’un point de vue “sexy” ou érotique, aussi bien que faire se peut », dont un double est enregistré par maître Robert Badinter, l’avocat du cinéaste […]. La première séquence est « une scène d’amour entre Brigitte Bardot et Michel Piccoli, qui devra être faite de telle sorte que le spectateur sente un profond accord, autant physique que sentimental, entre les deux personnages » ; la deuxième prévoit que Bardot « s’offre à Piccoli et se dénude devant lui », conçue comme « un documentaire sur Bardot en tant qu’animal érotique, fait de plans ou de courtes scènes qui montrent Bardot dans plusieurs poses différentes, style Playboy. Ces plans illustreront le désir inassouvi de Piccoli pour la femme qui se refuse à lui et s’offre de façon méprisante. Ils seront commentés peut-être par un dialogue amoureux entre Piccoli et Bardot ». La troisième « devra donner au spectateur l’impression que Bardot vient de faire l’amour avec Palance ;  le spectateur doit voir que Palance la voit dans sa nudité. Le côté physique de Bardot sera mis en valeur davantage que celui de son partenaire. »
Ces trois scènes n’en feront qu’une, finalement : celle que nous connaissons.

*

« Prendre garde à » : il faut le faire ; « prendre garde de » : il ne faut pas le faire.

*

Le générique final de The Dreamers, de Bertolucci (2003), qui descend du haut de l’écran au lieu de monter. Erreur ? Parti pris éthique ? Manifeste politique ?

*

La sidération de l’oiseau face au crotale. En lui se joue un terrible conflit cognitif : parce qu’il ondule, le reptile ressemble à un ver de terre, et l’oiseau voudrait bien le manger ; d’un autre côté, il est si gros qu’il serait prudent de prendre le large. Incapable de trancher entre le désir et la peur, l’oiseau ne fait rien, et se fait boulotter par le serpent.

*

Barthes, qui oppose le livre « de plaisir » au livre « de jouissance ». Le livre de plaisir se déroule comme prévu, vous apporte le confort du connu (un roman policier, par exemple, meurtre-enquête-dénouement) : on s’y plonge ou replonge comme on retrouve de vieilles pantoufles. Le livre de jouissance dépasse ce qui était attendu, vous remue, vous remet en question, par son « jaillissement » surprenant.

*

Les trous noirs, ainsi nommés parce qu’on pensait qu’ils n’émettaient aucune lumière, mais dont on a découvert que, précisément, ils en émettaient parfois des quantités astronomiques, c’est le cas de le dire. Et plus ils émettent de lumière et de particules, plus ils chauffent – alors qu’ils devraient refroidir.
Ils sont le seul endroit de notre univers (sans préjuger des autres) d’où l’on ne revient pas, même en remontant le temps. Des lieux où le passé n’existe pas.

*

Les gens qui prétendent que l’iris de l’œil est le résumé du corps entier.
Les gens qui prétendent que le pied est le résumé du corps entier.
Les gens qui prétendent que l’intestin est le résumé du corps entier.
Les gens qui prétendent que l’oreille est le résumé du corps entier.
Et la nuque ? Et la rotule droite ? Et le trou de balle ?

*

« J’assume. » Cette phrase de ministre fautif, cette hautaine affirmation, signifie en réalité : j’ai fait une connerie parce que je suis naturellement con. Mais la phrase est dite comme s’il suffisait de la prononcer pour que l’action commise ne soit plus une connerie ; comme si le verbe, magiquement, effaçait sa bêtise et lui accordait même quelque justification. Alchimiste naïf, le ministre prétend transformer la honte en fierté, le blâme en louange. En rhétorique, cela s’appelle antiparastase, cette antiparastase dont Muray a fait une sainte grotesque et « méconnue ».
J’assume, et je ne démissionne pas, et je continue comme devant (c’est le but de l’opération).

*

15 avril 2024

pink rose

046
UN ÉTÉ AFGHAN
de James Ivory
(et Giles Gardner)

Un ravissement, il n'y a pas d'autre mot. A la sortie, Hervé bichait. C'était lui qui avait exigé suggéré qu'on programme le film dans le cadre de DIVERSITÉ. Il y avait pas mal de monde pour cette séance unique (ce"one shot", comme tous les films de DIVERSITÉ cette année) à 18h dans la (grande) salle 4.
Soixante-douze minutes de plaisir cinématographique. D'autant plus plaisant qu'inattendu. James Ivory revient sur un film qu'il a tourné en 1960 à Kaboul (et qui n'a jamais été terminé) et se rappelle (nous raconte) non seulement l'Afghanistan (disparu) de cette époque-là, avec les images qu'il y a tournées, mais également sa jeunesse, comment lui est venue l'envie de faire des films, et last but not least sa rencontre - affective et professionnelle - avec Ismail Merchant (qui fut et restera non seulement son producteur mais aussi -et ça je l'ignorais- son amant)
Le film alterne les images réalisées par James Ivory (Afghanistan, années 60) et celles, contemporaines, avec James Ivory, réalisées, avec beaucoup de délicatesse,  par Giles Gardner.
Ajoutez à cela (une success story "sooooo british"  - même si Ivory est américain - entre deux gays) une musique divine -pour l'essentiel pianotée- de Alexandre Desplat, et vous avez un genre de film parfait.
Je sais que j'ai parfois l'enthousiasme facile (je m'embrase facilement) mais là c'est comme si toute la (grosse) boîte d'allumettes s'était enflammée d'un coup. Feu de joie, bien sûr, et, tiens, Top10 pour la divine surprise...

 

13 avril 2024

semaine latino 12

semaine latino 12

049
DIEU EST UNE FEMME
de Andrès Peyrot
(salle 10 / 18h / 3)

Pyramide nous l'a, "à titre exceptionnel" confié -en sortie nationale- pour 3 séances, et nous l'en remercions. Passé les dix premières minutes à trouver qu'il manquait des sous-titres (la deuxième ligne, en fait), jusqu'à ce que je sorte de la salle pour évoquer le problème au projectionniste, et qu'il y remédie illico. On a donc -enfin- vu le film dans des conditions normales, avec des sous-titres sur deux lignes, et on comprenait mieux, du coup.
Un réalisateur a tourné un film documentaire au Panama, il y a très longtemps, sur une "tribu autochtone" (celle, matriarchique, des Kunas), le film a été saisi, n'est jamais sorti, et voilà que la copie est retrouvée, des lustres plus tard,et que le voyage sera donc fait dans l'autre sens pour que les petits-enfants de ceux qui furent filmés à l'origine puissent voir leurs parents (incontestablement la scène la plus formidable du film). Touchant.

 

050
LA FLEUR DE BURITI
de Renée Nader Messora et Joao Salaviza
(salle 10 / 20h30 / 5 -"Soirée d'ouverture"-)

Ce film-là est aussi un documentaire, en avant-première (sa sortie en salle est prévue le premier mai, et nous remercions son distributeur, Ad Vitam), lui aussi sur une tribu autochtone du Brésil, les Krahô, vivant dans la forêt amazonienne, qui furent systématiquement exterminés par les occidentaux, avides de s'approprier leur(s) territoire(s). (la scène de l'attaque de la tribu par les Blancs, quasiment toute en hors-champ, est le moment le plus fort, extraordinaire,  du film). Le film dure plus de deux heures, il est magnifique, mais aurait sans doute gagné à être un peu resserré. deux documentaires consécutifs sur des tribus autochtones, c'était peut-être un peu trop...

 

051
LOS DELINCUENTES
de Rodrigo Moreno
(salle 3 / 13h30 / 10)

Mon chouchou (comme dirait Hervé) de cette douzième semaine latino, et, en plus, ô bonheur, ô privilège, ô entregent, on avait pu le visionner avant, grâce à un lien aimablement fourni par le(s) distributeur(s), Arizona distribution et JR Films, qui se sont associés pour l'occasion).
Une pépite argentine, dans la mouvance du "nouveau cinéma-fleuve argentin", celui qui a produit La Flor et Trenque Lauquen, même si le réalisateur ne revendique pas explicitement son appartenance au collectif (le film ne dure d'ailleurs "que trois heures" (même si le réalisateur explique qu'au départ, il en faisait quatre)
Un film en deux parties : 1) le hold-up et 2) après le hold-up, mais si vous risquez d'être surpris par le hold-up, vous risquez de l'être encore plus par les suites de celui-ci.
Il m'aura fallu pas moins de deux visions, -et la lecture attentive du générique-, pour découvrir qu'un même acteur joue deux personnages (très différents, un à la banque, et l'autre en prison...).

 

052
PERDIDOS EN LA NOCHE (bêtement traduit pour la France par LOST IN THE NIGHT)
d'Amat Escalante
(salle 10 / 18h /10)

Un film mexicain (on sait à l'avance qu'il sera plein de bruit et de fureur, et probablement d'hémoglobine) réalisé par Amat Escalante (qu'on suit et qu'on programme depuis LOS BASTARDOS (2009) déjà plein plein justement, de ce bruit et cette fureur typiquement escalantesques... Oups je viens de vérifier sur all*ciné, et on l'a connu -et programmé - déjà avant, avec SANGRE, en 2006).
Pour éclaircir le mystère de la disparition de sa mère, trois ans plus tôt, un jeune mexicain se fait embaucher comme homme à tout faire dans une famille de riches mexicains (la maman est chanteuse et actrice, le papa est artiste contemporain, la fifille une star des réseaux sociaux, et le chien survivant (les autres ont été empoisonnés) s'appelle Buñuel.) qu'il pense être liée à la mort de sa mère.. Le jeune homme, Emiliano, n'est pas au bout de ses peines... Un film très impressionnant, avec de fréquents écrans rouges, qui ne sont pas qu'une vaine menace...

 

055
LA HIJA DE TODAS LAS RABIAS
de Laura Baumeister de Montis
(salle 10 / 18h / 3)

Une première : un film venu du Nicaragua. Réalisé par une femme, qui, comme la hija du titre, peut être qualifiée de todas las rabias. Sur les conditions de vie épouvantables des petites gens là-bas. Sur les traces de la jeune Maria et de sa mère Lilibeth. On la verra d'abord vivre avec sa mère, puis sans. Sa mère va la confier à un "ami", Raul, qui fait bosser les gamins dans un "centre de recyclage", le temps de régler certaines affaires et de revenir. Sauf qu'elle ne revient pas. Dès les premières images du film on est plongé jusqu'au cou dans la vision objective, réaliste, de cette misère noire, habituelle, quotidienne. "Normale". Et on suit Maria, qui a la rage, et toutes les raisons de l'avoir. Il y a, quand même, des chiots, (deux portées) juste pour un peu de tendresse (et d'espoir ?) dans ce monde de brutes (on a vu aussi une poule, hein, Manue). (Et une rêverie finale avec une femme-chat qui ne m'a pas entièrement convaincu). Démoralisant.

 

056
MIS HERMANOS (SUEÑAN DESPERTOS)
de Claudia Huaiquimilla
(Salle 10 / 20h30 / 7)

Le second film de la journée, aussi réalisé par une femme, et celui-ci est chilien. Il y a bien dos hermanos, incarcérés ensemble dans un centre de détention pour adolescents. C'est donc un "film de prison", avec tous les codes du film de prison (j'ai repensé, d'un coup, avec tendresse et chaleur, au très beau ARIAFERMA). Qui dit film de prison dit testostérone, affrontements, violence, caïds, brosses à dents taillées comme des armes, gardiens obtus, galerie arc-en-ciel de personnages de prisonniers (tous y sont), et de prisonnières aussi (car le centre "héberge" aussi des jeunes filles, qui partagent avec les garçons le temps du cours d'une prof (d'arts plastiques ?) charismatique).
On s'attache aux pas des deux frangins, Angel et El Pulgo (le puceron) et à la force du lien qui les unit, à l'histoire d'amour naissante de l'un, au désespoir de l'autre du rejet patent de leur mère. Jusqu'à une tentative d'évasion dont j'ai pensé au départ qu'elle était la plus maladroite jamais vue au cinéma, jusqu'à sa conclusion, impitoyable. Et au terrible "basé sur une histoire vraie" final.
(Lire une excellente critique)

 

057
DIOGENES
de Leonardo Barbuy La Torre
(Salle 10 /15h45 / 15)

Pour cause(s) de rendez-vous médical stupidement retardé (mon généraliste est submergé) et d'horaire de séance stupidement avancé (le programmateur est joueur) j'ai manqué le début du film ( dix minutes ? un quart d'heure?) du coup j'ai eu un peu de mal à comprendre (mais j'ai été rassuré à la sortie : ceux qui avaient vu le film en entier ne semblaient pas plus avancés que moi). Un beau (très beau) premier film péruvien dans un beau (très beau) noir et blanc, au format presque carré, dont le réalisateur a aussi fait la musique...
Deux enfants, avec leur père, dans une maison isolée, le père peint des Tablas de Sarhua. Qu'il descend échanger au village contre de la nourriture. (Avec les villageois ils ne parlent pas la même langue). Le père meurt, et sa fille prend le relais... Plastiquement, le film est une merveille. Abscons, escarpé,  mystérieux, mais merveilleux... De haut vol. A revoir dès que possible, en entier (MUBI ?)
 

058
THEY SHOT THE PIANO PLAYER
de Fernando Trueba (et Javier Mariscal)
(Salle 10 / 18h / 7? -je ne suis plus sûr-)

C'était le +1 de cette édition. Comme l'écrit P*sitif : "They shot the piano player invente un genre inconnu : le thriller documentaire animé politique et musical."
Une histoire rocambolesque -mais vraie- de pianiste brésilien hyper-doué, en tournée en Argentine, sorti un soir de son hôtel pour acheter un sandwich pour sa copine, et, à partir de là, disparu à tout jamais... Un personnage - de fiction ?- (auquel Jeff Goldblum prête sa voix) a écrit un livre sur le fameux pianiste, et raconte le pourquoi du comment de l'histoire, interviewant le plus de gens  po
ssibles en rapport avec l'histoire (jusqu'au militaire argentin qui, in fine, nous explique par le menu -et c'est glaçant- le pourquoi du comment de cette fameuse disparition...). Une animation volontairement simple, mais très colorée, soutient agréablement le propos. Et la musique aussi. Pour tout un chacun, sauf les vieux cons comme votre serviteur, qui
1) n'aiment pas plus le jazz que ça
2) n'aiment pas du tout la musique brésilienne
(...) Qu'importe, je suis resté jusqu'au bout (j'ai quand même, heureusement, un peu piqué du nez au milieu) c'était pour moi le huitième -et
dernier- film de cette douzième Semaine Latino, je ne pouvais pas ne pas y assister...

 

059
EUREKA
de Lisandro Alonso
(salle 10/ 13h30 / 3)

Et celui-là était le (+1) +1, qui fut programmé à partir du mercredi suivant, et, malgré ses 2h30  ou presque, bénéficiant donc  -ô joie- de 6 séances... On avait dans un premier temps envisagé de le programmer en + 1 (le programmateur avait -déjà- tiqué sur la durée) mais le cosmopolitisme de la distribution nous avait fait craindre qu'il ne fut pas si latino que ça, et on a eu raison : il faut attendre grosso-modo le dernier quart d'heure pour entendre parler brésilien (tout le reste est en anglais.)
Un film en trois parties, très différentes par leur filmage, mais aussi par l'espace et par le le temps qui leur sont propres (mais "le temps est une fiction inventée par  les hommes"...).
J'ai totalement jubilé pendant une grande partie du film (les deux premières parties, Western et Pine Ridge m'ont semblé... absolument parfaites, chacune dans son genre. J'ai été un (tout petit) peu moins émerveillé par la partie Amazonie, je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi (parce que j'étais vraiment vraiment largué ???) (Semblant d'explication sibylline, cette citation, venue de VICTOR VICTORIA : "Ça n'est pas la viande qui est dure, c'est vos mâchoires qui se fatiguent...")
On a pas mal discuté à la sortie avec Catherine, qui semblait en savoir bien plus long que moi sur le sujet et, la première, m'a parlé de chamanisme. (Que je n'avais pas forcément, sur le coup, vu venir...) Du coup j'ai lu (relu) plusieurs critiques enthousiastes (pour celle de Libé, utilisée dans notre plaquette, j'avais volontairement choisi de ne parler que de la partie centrale, Pine Ridge, dont j'ai appris tout récemment  que Chloé Zhao y avait tourné deux films, LES CHANSONS QUE MES FRERES M'ONT APPRISES , et le grandissime THE RIDER) et j'ai lu aussi -ça me fait toujours pisser de rire- les critiques de spectateurs, à zéro ou une *.
EUREKA restera pour moi un des très grands films de 2024.
Et j'ai appris, ou plutôt re-trouvé (je l'avais su) le nom de l'oiseau : il s'agit du jabiru.
Top 10

 

11 avril 2024

CANNES 2024

(tiens, j'ai loupé la conférence de presse...) :

Film d’ouverture

 LE DEUXIÈME ACTE de Quentin DUPIEUX | Hors Compétition 

EN COMPÉTITION

 THE APPRENTICE de Ali ABBASI

MOTEL DESTINO de Karim AÏNOUZ

BIRD de Andrea ARNOLD

EMILIA PEREZ de Jacques AUDIARD

ANORA de Sean BAKER

MEGALOPOLIS de Francis Ford COPPOLA

THE SHROUDS de David CRONENBERG

THE SUBSTANCE de Coralie FARGEAT

GRAND TOUR de Miguel GOMES

MARCELLO MIO de Christophe HONORÉ

FENG LIU YI DAI de JIA Zhang-Ke
(CAUGHT BY THE TIDES)

ALL WE IMAGINE AS LIGHT de Payal KAPADIA

KINDS OF KINDNESS de Yórgos LÁNTHIMOS

L’AMOUR OUF de Gilles LELLOUCHE

DIAMANT BRUT de Agathe RIEDINGER |  1er film

OH CANADA de Paul SCHRADER

LIMONOV – THE BALLAD de Kirill SEREBRENNIKOV

PARTHENOPE de Paolo SORRENTINO

PIGEN MED NÅLEN de Magnus VON HORN
(THE GIRL WITH THE NEEDLE)

 

UN CERTAIN REGARD

 

NORAH de Tawfik ALZAIDI

THE SHAMELESS de Konstantin BOJANOV

LE ROYAUME de Julien COLONNA | 1er film

VINGT DIEUX ! de Louise COURVOISIER | 1er film

LE PROCÈS DU CHIEN (WHO LET THE DOG BITE?) de Laetitia DOSCH | 1er film

GOU ZHEN (BLACK DOG) de GUAN Hu

THE VILLAGE NEXT TO PARADISE de Mo HARAWE | 1er film

SEPTEMBER SAYS de Ariane LABED | 1er film

L’HISTOIRE DE SOULEYMANE de Boris LOJKINE

LES DAMNÉS de Roberto MINERVINI

ON BECOMING A GUINEA FOWL de Rungano NYONI

BOKU NO OHISAMA (MY SUNSHINE) de Hiroshi OKUYAMA

SANTOSH de Sandhya SURI

VIET AND NAM de TRUONG Minh Quý

ARMAND de Halfdan ULLMANN TØNDEL | 1er film

 

CANNES PREMIERE

 

EVERYBODY LOVES TOUDA de Nabil AYOUCH

C’EST PAS MOI de Leos CARAX                                                                 

EN FANFARE de Emmanuel COURCOL

MISÉRICORDE de Alain GUIRAUDIE

LE ROMAN DE JIM de Arnaud LARRIEU et Jean-Marie LARRIEU

RENDEZ-VOUS AVEC POL POT de Rithy PANH

 

11 avril 2024

sans drillon (5)

Les rangements, le tri, jeter les vieux papiers, les vêtements pas portés depuis dix ans, les chaussures éculées, la cuiller de bois au tiers cassée. Et puis l’ivresse qui vient, on jette, on jette. Tout paraît inutile, les sacs à poubelle s’entassent. Et deux mois plus tard, il faut racheter le presse-purée, irremplaçable.

*

Les abeilles, qui s’agglutinent sur un frelon tueur, élèvent leur température et le cuisent vivant.

*

Françoise Fabian, qui raconte qu’à l’époque de Ma nuit chez Maud, personne ne savait où Rohmer habitait. De ses collaborateurs, ses acteurs, ses techniciens, personne.
– On va vous raccompagner…
– Non, non, laissez-moi au feu rouge.

*

 Les gens qui ne manquent à personne quand ils ne sont pas là.

*

Les explications lumineuses des CRS qui avaient cogné les manifestants réfugiés dans le Burger King de l’avenue de Wagram, roulés en boule par terre sous les coups  : « Ils n’obéissaient pas à nos injonctions réitérées. » « Ils faisaient de la résistance passive. »

*

Cette dame qui mettait de côté un louis d’or à chaque fois que son mari couchait avec une autre. À la fin, restée veuve, elle s’est acheté une villa au bord d’un joli lac.

*

Fourchette et couteau : ceux qui coupent et piquent en inversant les mains entre chaque opération.

*

Le changement de genre des mots d’argot, survenu fréquemment à la suite d’un  glissement de sens : Un clope (par analogie avec un mégot) devenu une clope (par analogie avec une cigarette) ; un vanne (par analogie avec un mensonge, un racontar) devenu une vanne (par analogie avec une plaisanterie) ; un turlute (par analogie avec un pompier) devenu une turlute (par analogie avec une pipe, une fellation)…
(Plume est masculin quand il s’agit d’un lit, féminin quand il s’agit d’une pipe.)

*

Dans Grimpe-la en danseuse, la perplexité de San-Antonio devant La disparition, le roman de Georges Perec, entièrement écrit sans la voyelle e. « Quand on songe combien c’est duraille de s’exprimer avec tout l’alphabet ! » « Il a voulu construire un jeu de patience d’un genre nouveau, ct crivain d ms couills ? »

*

La vieille M*, persuadée qu’on trouve chez tous les homosexuels hommes une reproduction de l’obélisque de Louksor : « C’est un signe de reconnaissance », prétend-elle d’un air entendu.

*

10 avril 2024

le plaisir absolu (et réciproque dans ce cas) du dézinguage

"Trois minutes de film et on a déjà envie de tout casser, en finir avec cette mascarade, fermer boutique, raser cent trente ans de cinéma pour construire un parking à la place. S’il existe une scène d’introduction plus abominablement nulle que celle de Drive-Away Dolls, qu’elle se fasse connaître : on la montrera dans un cirque. Pedro Pascal, un serveur, un tire-bouchon – on ne dira rien de plus. Chaque seconde est une épreuve, ça n’est drôle à aucun moment et tout le monde joue mal. Comment, après ça, consentir à s’infliger les quatre-vingts minutes restantes de ce road-movie lesbien où Margaret Qualley et Geraldine Viswanathan se retrouvent avec une bande de zigotos aux trousses à cause d’une mystérieuse mallette entrée en leur possession ?

Une pochade de luxe, augmentée de guest-stars qui ont visiblement bouclé leurs scènes entre deux taxis (Matt Damon, Miley Cyrus) et qui donne l’impression de regarder l’interminable film de fin d’études d’un Tarantino de sous-préfecture. Personnages crispants, gags mous, lumière glabre : tout est laid, con et d’un amateurisme à peine croyable. Ça aurait dû s’appeler Foutraque : le film tant chaque scène, chaque dialogue évoque ce mot qui tire la langue, porte des chapeaux à clochettes et montre ses fesses aux passants – même si ici, c’est davantage les pénis qu’on montre, mais enfin on ne voudrait pas spoiler non plus.

Trentaine de blagues sur les godemichets

La déconfiture est d’autant plus douloureuse qu’elle est signée Ethan Coen, preuve qu’on peut être l’original et faire cent fois pire que la plus vile des contrefaçons. On comprend mieux, en tout cas, pourquoi ce film, qu’il a écrit et mis sur pied avec son épouse Tricia Cooke, erre dans les enfers de la production depuis le début des années 2000. L’idée de départ avait pourtant de quoi séduire : fusionner le comic-book movie (dont Coen avait signé avec son frère Joel un des modèles, le génial Arizona Junior), la sexploitation 60′s et l’humour trash des premiers John Waters. Le résultat manque sa cible d’un bon millier d’années-lumière : un long sketch pénible et anachronique dont le scénario se résume techniquement à une trentaine de blagues sur les godemichets et à coté duquel nos Cocorico et Maison de Retraite 2 passent pour du Lubitsch grand millésime."

(Libé, 2 avril, j'avoue que je me suis régalé)

9 avril 2024

six jours sur 7

035
JEUNESSE
de Wang Bing

On en rêvait, sans trop y croire, on l'a demandé, une fois, et re, et re-re, et voilà qu'il nous tombe du ciel! Dans le bôô cinéma, pour quelques séances. je suis allé à la première, on y était quatre (Hervé tout à droite, deux dames tout à gauche et moi un peu au milieu...)
J'ai toujours eu un faible pour ces films "monumentaux", excédant les durées "normales", on s'y sens privilégié, on vit un événement particulier, on jubile (enfin, c'est mon cas...). Trois heure trente-cinq, on rentre déjà dans une durée "sérieuse", hein..., ça rigole plus... Enfin si, dans le film, justement, ça rigole quand même.
Le film est un documentaire sur des jeunes gens qui travaillent dans l'industrie textile, à fabriquer des trucs et des machins, des vêtements, des fanfreluches, ils bossent six jours sur sept, 14h par jour, et sont, bien sûr, payés une misère... Mais voilà, ils sont jeunes, et la caméra les suit, des ateliers où ils sont courbés sur leurs machines aux dortoirs sur place, au même endroit- où ils sont hébergés, et la joyeuse agitation qu'ils génèrent.

Je l'ai été, (jeune), et vous l'avez été aussi (si si, rappelez-vous!) alors vous savez ce que c'est, les histoires de garçons et de filles (au printemps surtout hihi), les rigolades, les chamailleries, et les espoirs, et les rêves, et les désillusions parfois aussi...

On les voit travailler (d'arrache-pied), on les voit négocier avec les patrons pour gagner davantage (ils sont payés à la pièce), et on les voit aussi tout le reste du temps.

Trois heures trente cinq de vie, de vraie, cliquetantes (les machines à coudre), pétillantes ici, tonitruantes là (des fois, aussi, démoralisantes), et, comme la vraie vie, des fois (souvent) ça se répète, et, d'autres fois, ça s'échappe.

Du sacré beau boulot, en tout cas.

 

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