je suis votre kangourou
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EMILY DICKINSON, A QUIET PASSION
de Terence Davies
J'aime beaucoup Terence Davies, depuis fort longtemps, je le dis et le répète, et je continue de penser que c'est un grand cinéaste très injustement mésestimé. Je l'ai découvert avec ses premiers films prolo/brittons (Distant voices, The long day closes), où j'avais été émerveillé par les personnages qui si souvent chantaient. du cinéma social, mais avec des gens qui chantent. ensuite, il a adapté des romans (oh la sublime adaptation de La bible de néon, avec Gena Rowlands et des reflets partout...) avant d'aborder une troisième époque, celle des films "en costume" (House of Mirth, The Deep blue sea).
Comme son titre (français) l'indique, il s'agit d'un biopic de la poétesse en question (que je connaissais juste de nom sans l'avoir jamais lue), et ce qui est rigolo, c'est que, connaissant Terence Davies et vu le style du film, des décors et ses costumes, j'ai cru pendant un certain temps qu'il s'agissait d'une poétesse anglaise, alors que pas du tout, elle est américaine et le film se passe aux Etats-Unis.
Des son jeune âge Emily affiche ce qu'on peut définir comme une forte personnalité (voir la première scène dans le pensionnat de jeunes filles virginales et pieuses), et, par la suite, des choix de vie qui le sont tout autant.
Bien que revenue chez papa/maman, elle obtient de son père l'uatorisation de se relever la nuit pour écrire des poèmes, et vit donc ces moments de création nocturne (que le réalisateur fait partager au spectateur), tandis qu'elle vit le jour d'une façon qui lui est tout aussi personnelle : elle semble refuser en bloc à peu près tout : la vie d'une demoiselle, les conventions sociales, la place de la femme au foyer, elle fonce, obstinée. Elle a même décidé qu'elle n'était pas assez belle pour être courtisée et donc se détache des visites de galenterie et de courtoisie codifiées pour la circonstance (alors qu'intérieurement, elle n'est que désir et incandescence). On a donc droit à une scène sublime, où, après avoir -sans l'avoir autorisé à la voir, juste à l'entendre- éconduit un damoiseau particulièrement joliet qui venait la solliciter pour une promenade, elle s'abandonne à une rêverie délicieuse (accompagnée d'un chant tout aussi particulièrement magnifique, que je n'ai hélas pas identifié au générique).
Plus le film passe et plus Emily intransige (avec son frère, notamment), au fil des deuils et souffrances divers qui viendront émailler le récit.
Et le réalisateur a la terrible -mais délicieuse- idée de terminer avec Question without answer de Charles ives, qui m'avait déjà fait pleurer dans Valley of love (il s'agit là d'une version juste pour cordes, sans vents, me semble-t-il) et donc ça n'a pas loupé : encore une fois les larmes me sont montées aux yeux.
il semblerait qu'il n'y ait que dans la salle de cinéma qu'il porte le nom d'Emily Dickinson...