Au Japon
On aime la langue française – un peu employée au hasard, il faut l’admettre, par des boutiques à la mode ou des marques :
« Comme ça blanc d’œuf » (magasin de vêtements)
« Petit bit » (marque de gommes à mâcher)
« Jouir de bijou » (magasins de colifichets)
« Ruisselant de joie » (marque de lait)
« Co-labo » (enseigne de café)
La dernière est assez jouissive :
« Femme fontaine » (marque de perruques).
*
Les gens qui tendent leur télécommande au maximum, à bout de bras, vers la télévision, pour que la bête entende mieux le message.
*
– Vous avez très mauvaise mine, et pourtant vous riez.
– Je sors de l’hôpital. On m’a fait une coloscopie. L’anesthésie m’a laissé un peu groggy.
– C’est douloureux ? Pourquoi riez-vous ?
– Non, pas douloureux. La préparation est pénible. Il faut laver le côlon, voyez-vous. Le laver très bien ! Pour qu’ils y voient quelque chose. On vous demande donc de boire, dans l’après-midi de la veille, deux litres d’une boisson infâme, et en une heure. Deux litres en une heure ! Et de recommencer le soir après dîner… On passe la nuit à rejeter tout ça. Pas drôle. C’est à vous dégoûter pour la vie de boire une goutte de quelque liquide que ce soit.
– Alors pourquoi riez-vous ?
– Parce que je repense à ce que j’ai lu sur la notice du médicament qu’on dissout dans l’eau, dans toute cette eau qui vous gonfle le ventre.
– Et qu’avez-vous lu, qui vous fait rire ?
– Dans la liste des effets indésirables du médicament, il y en a un qu’on n’attend pas.
– Et qui est ?
– La soif. Oui, monsieur, la soif.
*
Ce fort des halles catalan, dans le film de Bigas Luna, qui casse des noix dans le pli de son coude, rien qu’en repliant le bras.
*
Claudio Magris, qui raconte à propos de Sissi : « Il y avait aussi [en elle] la poétesse, auteur d’un grand nombre de poèmes délicats et vaporeux, dont les vers, boiteux, lui étaient selon elle dictés de l’au-delà par Heine, par l’entremise d’un médium dont elle utilisait les services. Ce qui avait inspiré à un conseiller de la cour cette remarque spirituelle, malheureusement restée anonyme : “Force est de constater que Heine écrit moins bien depuis qu’il est mort.” »
*
Les saligauds qui prennent des After Eight et laissent, vides dans la boîte, les petites enveloppes noires. On croit qu’il y en a encore, et soudain la boîte est vide.
*
Avant le vêlage, on entre son bras dans la vache, on sent le museau du veau ; si on lui tend un doigt, il se met à téter.
*
Les belles étymologies.
Une cagne est un mauvais chien, notamment un chien paresseux. De là un cagneux, un paresseux. On a donc appelé cagneux les candidats au concours de l’École Normale Supérieure, connus pour passer deux ans dans une intensive oisiveté. Piqués, ils ont caché le terme moqueur sous une orthographe pseudo grecque : khâgne, khâgneux.
*
Pour s’informer auprès du fisc sur le « droit à l’erreur », il faut se connecter sur un site nommé oups.gouv.fr. Oups, oui, oups.
*
Le torchon, qui brûle entre les lesbiennes et les transsexuels – autrefois unis comme les doigts de la main dans une même série de consonnes : LGBT et la suite. Les lesbiennes reprochent aux hommes devenus femmes de se jeter sur le maquillage, les jupes moulantes, les cheveux permanentés, les talons aiguilles, autrement dit d’entretenir les pires stéréotypes sexistes. Si c’est pour rester hommes, répliquent-ils·elles, c’était pas la peine de se faire opérer.
En sorte que le torchon brûle aussi entre transsexuels : il y a ceux qui font tout pour avoir l’air de femmes, et ceux qui revendiquent une apparence de transsexuels : mâchoire carrée, rasage approximatif…
La question est : doit-on, peut-on, admettre des femmes trans dans les réunions de féministes femmes ? C’est un dilemme atroce. Il avive la querelle des féministes universalistes et des féministes intersectionnels…
Peut-on, doit-on, admettre les anges dans ce type de réunion, alors qu’on ne sait toujours pas de quel sexe ils sont ? Créons dans les universités, pour répondre à cette question, les angel studies.
*
Patrick Besson, qui se demande « quel missionnaire a eu l’idée de la position ».
*
Les plantes grasses, qui aiment une chose par-dessus tout : qu’on les oublie.
*
Personne ne sait
Ce que signifie « discours amoureux », dans le titre de Barthes Fragments d’un discours amoureux. À quoi cela peut-il bien ressembler, un discours amoureux, même fragmenté ou fragmentaire ? Comment un discours peut-il être amoureux ? On se perd en conjectures.
*
Bach, cantate BWV 197 :
Bien entendu, il ne faudrait pas prendre le post-copulationem pour le post-coïtum. Il s’agit ici de la « réunion du chrétien et de l’Église », et voilà tout d’un coup que le soufflé retombe. Post copulationem, animale triste.
*
Le moment de l’année où l’on trouve en même temps des cerises, des fraises et des framboises.
*
Les gens dont on découvre qu’ils étaient encore vivants quand on apprend qu’ils viennent de mourir.
*
Prière d’insérer des Contes du chat perché, de Marcel Aymé :
« Ces contes ont été écrits pour les enfants âgés de quatre à soixante-quinze ans. Il va sans dire que par cet avis, je ne songe pas à décourager les lecteurs qui se flatteraient d’avoir un peu de plomb dans la tête. Au contraire, tout le monde est invité. Je ne veux que prévenir et émousser, dans la mesure du possible, les reproches que pourraient m’adresser, touchant les règles de la vraisemblance, certaines personnes raisonnables et bilieuses. À ce propos, un critique distingué a déjà fait observer, avec merveilleusement d’esprit, que si les animaux parlaient ils ne le feraient pas du tout comme ils le font dans les Contes du chat perché. Il avait bien raison. Rien n’interdit de croire en effet que si les bêtes parlaient, elle parlerait de politique ou de l’avenir de la science dans les îles Aléoutiennes. Peut-être même qu’elles feraient de la critique littéraire avec distinction. Je ne peux rien opposer à de semblables hypothèses. J’avertis donc mon lecteur que ces contes sont de pures fables, ne visant pas sérieusement à donner l’illusion de la réalité. Pour toutes les fautes de logique et de grammaire animales que j’ai pu commettre, je me recommande à la bienveillance des critiques qui, à l’instar de leur savant confrère, se seraient spécialisés dans ces régions-là.
Je ne vois rien d’autre à prier qu’on insère
M. A. »
*