twink peas
KABOOM
de Greg Araki
Le lendemain (les projections de presse se suivent et ne se ressemblent pas, hi hi hi) d'Oncle Boonmee... (le jour même, je n'avais rien envie de voir d'autre.)
Radicalement à l'opposé. Araki, c'est du cinéma que j'aime beaucoup aussi, mais, à des kilomètres de, la contemplativité thaÏe: ici, c'est du flashy, du gentiment trash, du un peu provo', de l'aimablement déjanté, du plus que gay friendly, J'ai vu les précédents, et à part la parenthèse plus sombre de Mysterious skin, son univers bariolé est assez aisément reconnaissable (et, en ce qui me concerne,plus que recommandable.) Smiley face, Doom generation, Nowhere... Djeunz, fun, sex (et rock'n'roll aussi), avec un chouïa d'extraterrestres, des substances hallucinogènes et (ce qui va de pair) un soupçon de flip et de paranoïa.
Bref, avec, en plus des vagues échos enthousiastes cannois, la tête mimi et pas rasée de l'acteur principal sur le carton, j'y allais gaiement avec un certain plaisir (pervers) anticipé.
Y a pas à tortiller, le film tient ses promesses.
Comme c'est un film de djeunz, ça se passe sur un campus, ou plutôt une idée, un fantôme de campus, toujours quasiment vide, à part les personnages qui nous intéressent (ceux donc qui gravitent autour de Smith, le narrateur. Sa copine, plutôt gouine (lui-même couchotte à droite à gauche et ne se prononce pas encore sur sa gayitude ou pas (enfin, il couche avec des demoiselles mais fantasme dur dur sur son voisin de chambre, un archétype de surfer aussi décoloré que bas de plafond (mais bon, bandant).
Il est question de sexualité, (on est bien chez Araki) sous toutes ses formes (mec, mec/mec, nana/nana, mec/nana, mec/nana/mec,et ainsi de suite.), dans une intrigue qui va progressivement se complexifier, sinuer, changer de style, jusqu'à un final jusqu'auboutiste (et joyeusement ultime), tout ça à partir de l'ingestion par notre jeune et mimi héros d'un cake psychotropement fourré, suivi de l'apparition d'une mystérieuse demoiselle rousse, et d'encore plus inquiétants hommes à masques d'animaux. (comme sur la photo, dans l'hôtel, à la fin de Shining...)
Les dialogues sont une merveille de percutance et de tac-au-tac, c'est très drôle et vachard, au fil de l'histoire qui prend des allures à la fois de montagnes russes et de train fantôme, comme si les scénaristes avaient aux aussi succombé aux délices du space-cake de notre héros.
C'est filmé au rasoir (les couleurs on en a déjà parlé, on ne serait pas si loin d'un Dario Argento époque Inferno (sans les grands méchants couteaux, toutefois, mais le chromatisme y est), Araki a le don pour décaler ses plans (et pas seulemnt en modifiant l'angle de ses prises de vue) : ainsi toute nourriture avalée par nos djeunz (et ils en bouffent!) est filmée comme pourrait l'être quasiment un brouet extra-terrestre, et le plus innocent des plats de coquillettes devient ainsi une quasi-menace potentielle, on s'attendrait presque à le voir se mettre à se tortiller. Dans le même ordre d'idée, les lieux non plus ne sont jamais innocents, et chaque fois qu'on voit quelqu'un assis dans une pièce, on sait que fatalement va apparaître derrière lui/elle une ombre menaçante, et en général contondante.
Le réalisateur, dans le document de presse, confie l'envie qu'il avait de construire un univers à la David Lynch, et a donc mis le paquet en construisant une histoire où la réalité de l'univers du début, lisse, rassurante, va progressivement se lézarder pour laisser apparaître, à travers les fissures qui s'agrandissent, un univers beaucoup plus sombre, angoissant. Une fille disparaït ? des sorciers ? une société secrète ? une menace planétaire ? Yes, mais toujours avec une distance ironique, un sourire amusé, un genre de clin d'oeil complice genre je ne suis pas dupe et vous non plus hein ?
Teenage movie baroque, thriller paranoïaque rigolard, chronique existencielle ripolinée, exercice de style clinquant, Kaboom est un peu tout ça...
Et en plus, ce qui ne gâche rien, le film est emballé avec une musique enthousiasmante (j'aimerais bien pouvoir fouiller dans la discothèque du réalisateur, il y en a une sacrée liste qui défile au générique, je n'ai pas eu le temps de noter quoi que ce soit, mais je peux juste dire qu'il y a vraiment plein plein de morceaux qui font whizz et pschitt, un pop/rock entre effervescence et attendrissement, tout à fait à l'image du film...