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lieux communs (et autres fadaises)
28 avril 2024

séance double yin / yang

065
MADAME HOFMANN
de Sébastien Lifshitz

(Salle 3 du Victor Hugo, séance 1) Un nouveau documentaire du très aimé (par nous) Sébastien Lifshitz, à propos des derniers mois de travail d'une infirmière (spoil : à la fin, elle part à la retraite) infatigable et charismatique, qui œuvre à l'hôpital depuis 40 ans, et termine sa carrière en passant plusieurs années dans un service de soins palliatifs. On le sent déjà dans la bande-annonce (qui "vend" très bien le film) : on va l'aimer, cette Madame Hofmann, en exercice à l'hôpital, bien sûr, mais dans tout le reste de sa vie aussi... Et comme disait Dominique à la sortie : Sébastien Lifshitz a eu bien de la chance de trouver cette infirmière-là, avec la vie qu'il faut, la famille qu'il faut (la mère qu'il faut, la fille qu'il faut, le mari qu'il faut), et qu'il a vraiment réussi à dénicher l'oiseau rare. Et qu'il nous le montre, avec attention, avec précision, avec empathie. Joliment. Bien qu'il soit question de maladie, de fin de vie, d'analyses, de cancer, on sort de là véritablement ravi :la force et l'énergie de cette femme font la force et l'énergie du film. Et on aime toujours autant Sébastien Lifshitz. Autant que, visiblement, il aime Sylvie Hofmann..

*

066
LAROY
de Shane Atkinson

(toujours dans la salle 3 du Victor Hugo, deuxième séance, mais cette fois sans Dominique) pour un film que je ne connaissais encore pas une semaine plutôt, et qui est l'exact opposé du film précédent : après la réalité, la fiction, mais une fiction tonitruante et excessive, au scénario bien tordu, dans un patelin américain que n'auraient pas renié les Frères Coen (ils n'auraient d'ailleurs pas renié non plus ni les personnages ni les dialogues), avec une invraisemblable galerie de con(ne)s et de méchant(e)s. Et de flingues aussi.
Le nom qui m'a décidé et donné immédiatement envie de voir ce film, c'est celui de John Magaro (Comment ? Ca ne vous dit rien ? Tsss C'est lui qui incarnait le personnage de Cookie Figowitz, le cow-boy pâtissier voleur de lait dans le sublime FIRST COW de Kelly Reichardt, qui trôna en tête de mon top 10 il y a deux ou trois ans). Il n'a plus de barbe, mais on le reconnaît bien, il incarne ici un pushover (un mec qui se laisse faire, qui se fait avoir, une bonne pâte, une mauviette, quoi... surtout dans ce contexte lourdement testostéroné de bouseux bourrins ricains...) qui va se trouver impliqué malgré lui dans une histoire qui le dépasse, mettant en jeu une grosse mallette pleine de gros billets, pour laquelle tout le monde va joyeusement s'entretuer pendant cent-douze minutes. Un film qui démarre doucement (une conversation dans une voiture, la nuit, entre le conducteur et le mec qu'il a pris en stop, où il est question de sérial killer) mais qui, ensuite, n'arrêtera pas d'accélérer (on a le droit de penser à FARGO, et même à BURN AFTER READING) , sans nous laisser un instant de repos.
On sort de là tout aussi ravi que du film précédent, même si par des moyens totalement opposés. C'est ça le cinéma!.
Vraiment, une après-midi cinématographique qui fait du bien. Un incontestable double bonheur de spectateur.
 

 

27 avril 2024

chaussures de sport rouges (en noir et blanc)

067
YURT
de Nehir Tuna

Je n'ai eu que des retours élogieux à propos de ce film (pareil pour les critiques, à quelques exceptions près*).
Un film turc, donc. Un beau film turc, dans un splendide noir et blanc.**). L'histoire d'un jeune homme, Ahmet, un adolescent, dont la vie ressemble à pas mal de vies d'autres adolescents (turcs ou pas, d'ailleurs), sauf qu'elle est à peine plus compliquée : si la journée il suit une scolarité "normale" dans un établissement public (et laïc) et mixte, à la fin des cours il rejoint -en catimini- un yurt (dortoir) d'obédience musulmane (et religieuse) non mixte et plutôt rigoriste, (branché prières et châtiments corporels) pour y passer la nuit (et moi tout de suite de frétiller intérieurement en salivant comme le Grand Méchant Loup : mmmmh un dortoir plein de jeunes turcs en tenue légère...) dans des conditions beaucoup plus... spartiates.
Ahmet déprime dans son yurt, mais son père (fraîchement converti) n'en démord pas : c'est ce dont il a besoin pour devenir un homme, son avenir sera pieux ou ne sera pas. Déprime d'autant plus qu'il a été pris en grippe par un des surveillants, Yakup, (qui fait tout ce qu'il peut pour l'empêcher d'entrer "dans le Cercle") dur dur donc, mais, heureusement il fait la connaissance d'Hakan, un jeune homme "issu d'un milieu défavorisé", avec qui il ne va pas tarder a devenir "copain(s) comme cochons". Et sans doute même un peu plus ***

* une machine à gifles toute particulière pour un(e) critique de Libé (" Le film, voulant trop bien faire, annule sa position intenable en ne se tenant ni bien ni mal, mais sage. Le style en est doublement académique : l’académie de l’école rigoriste, l’académisme d’un formalisme quadrillé. «Maman, qui est le plus grand ? Atatürk ou Dieu ?» Manichéen – qu’accentue le noir et blanc – et finalement confus, le passage à la couleur de la dernière demi-heure fait l’aveu que même le film en a eu assez de ses afféteries fignolées.")

** : mais pas tout à fait complètement tout le temps hihi

*** :Tous les journaux ont été circonspectement "prudents" quant à la nature de cette relation (à part TÊTU qui a osé s'avancer et affronter le sujet un peu plus frontalement). Bon, le (mâle) turc est velu, il est rude, mais il est prude, et les contacts entre mecs sont toujours évoqués avec des pudeurs et des effarouchements de demoiselles... Quoi ? Deux hommes ? Se toucher ? Oh mon dieu mon dieu mon dieu...
Sur ce plan, c'est -vraiment- une jolie chronique d'adolescence et d'éveil, de découverte des possibles affectifs et sensuels, autour d'un jeune homme non seulement très mimi mais aussi très investi dans son personnage...
Même si tout est un peu confus au début (on ne saisit pas tout de suite la différence entre les deux lieux -ni le pourquoi de cette attitude presque schizophrène pour le pauvre Ahmet-), les choses se mettent progressivement en place, et on en fin prêt à ouvrir grand les yeux pour cette dernière partie de film...

 

26 avril 2024

bang bang

064
BORGO
de Stéphane Demoustier

Celui-là nous est, heureusement, tombé du ciel en sortie nationale, avec tout plein de séances, alors qu'on comptait le demander pour la prochaine prog : et hop! une place de gagnée!
Avec Hafsia Herzi en matonne, qui débarque en Corse avec son mari et sa fille, pour bosser dans un genre de "prison ouverte". Parallèlement à son histoire (en prison mais aussi à la maison), on suit une "autre" enquête menée après un double meurtre à l'aéroport, par un commissaire pas très rigolo (Michel Fau à contre-emploi dans un rôle très atone) épaulé par un adjoint plus mimi tu meurs (Pablo Pauly avec sa belle barbe rousse).. Il va s'avérer in fine que les deux histoires ont quelque chose à voir (soupçon -légitime- du spectateur moyen, qui s'apercevra bientôt que, comme dans les romans de Teri White (REGARDE LES HOMMES TOMBER, par exemple), "les deux temporalités ne sont pas concomitantes..." (je dis ça, je dis rien, hein...)
En plus des actrices /teurs déjà nommés, je ne voudrais pas oublier de nommer cette délicieuse Florence Loiret-Caille (qu'on aime ici toujours autant, même si dans un rôle pas très sympathique (et créditée au générique d'un "avec la participation de").
Film de prison + film corse + thriller + chronique familiale : le réalisateur a les rênes bien en main, et nous mène jusqu'à la conclusion (spoil : une file de voitures dans un ferry) sans souci aucun. (Et à la fin, c'est Hafsia Herzi qui gagne, ce qui n'était pas joué d'avance, et on est bien content pour elle et pour les siens...)

 

23 avril 2024

micro 214

"Je ne comprends pas comment tu peux passer devant un arbre et ne pas être heureux quand tu le vois. " F. Dostoïevski.

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De Staël (1)

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Depuis le début du siècle dernier, le lundi de Pâques n'est  tombé un 1ᵉʳ avril que six fois, à savoir en 1907, en 1918, en 1929, en 1991, en 2002 et en 2013. La prochaine fois aura lieu en 2086 ( je serai mort, tiens).

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De Staël (2)

*

"La mémoire est faite de plans fixes." (Susan Sontag)

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Manu Larcenet

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quand j'arrive devant chez moi (en voiture),  il n'y a pas de place (de stationnement) libre, je fais donc le grand tour, vais jusqu'au parking Serpente, je m'y gare, je redescend à pied jusque chez moi, et, quand j'arrive, il y a une belle place libre, juste en bas de chez moi, je m'en fous, je fais comme si je ne l'avais pas vue (car si je repars à pied récupérer ma voiture pour la garer ici, il y a 99% de chances que la place en question ne soit plus libre...)

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Bruno Ganz

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le lait "sans lactose" me semble toujours plus sucré au goût que le lait "normal".

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Mon voisin Totoro

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(de bon matin) en quittant son stationnement, la voiture bouscule (fait valdinguer) trois ou quatre grosses poubelles (vides), accélère, et disparaît ("sans autre forme de procès")...

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Bill Murray

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après la prise de sang, l'infirmière m'a demandé si j'étais sous anti-coagulants ou si je faisais de l'hypertension, parce qu'elle trouvait "que ça saignait beaucoup", et m'a rajouté un second pansement, en croix.

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télé-réalité

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pour le glycémie, il faut obligatoirement être à jeun, mais pas pour l'hémoglobine glycquée (donc, pas besoin de venir aux aurores...)

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un trèèès vieux gingko biloba

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"Mais vos amours se faneront comme les ancolies que les frelons épuisent, comme les iris qui, déjà, sont à l’agonie" (Marguerite Burnat-Provins, Le Chant du Verdier)

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"Savoir qu'on écrit pas pour l'autre, savoir que ces choses que je vais écrire ne me feront jamais aimer de qui j'aime, savoir que l'écriture ne compense rien, ne sublime rien, qu'elle est précisément là où tu n'es pas —c'est le commencement de l'écriture." (Roland Barthes)

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"N’apprends qu’avec réserve. Toute une vie ne suffit pas pour désapprendre, ce que naïf, soumis, tu t’es laissé mettre dans la tête – innocent ! – sans songer aux conséquences.."  (Henri Michaux)

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(Parking rue Serpente) ce mec accroupi, en jogging, en train d'ausculter sa voiture, me gratifie d'une amicale raie des fesses, avant de m'adresser, s'étant relevé, un tout aussi amical "Bonjour" lorsque je passe devant lui.

*

*

 

 

 

21 avril 2024

double séance comédie(s) française(s)

ET PLUS SI AFFINITÉS
de Olivier Ducray et Wilfried Meance

J'avais failli le voir en avant-première au Printemps du Cinéma (mais ça ne collait pas au niveau des horaires). C'est surtout, j'avoue, la présence de Pablo Pauly sur l'affiche qui m'a attiré l’œil (je kiffe ce jeune homme). L''affiche est cash : quatre personnes (deux couples -de voisins-, un jeune et un vieux), un canapé (on va tourner autour pendant tout le film) et Bernard Campan tout nu (mais très pudiquement, sans qu'on voit jamais sa zigounette). Et tournez manèges!
Une certaine (incontestable) parenté avec CUISINES ET DÉPENDANCES (un film uniquement "d'intérieur", théâtre filmé, humour, dialogues aiguisés, rebondissements) mais à la fin, on reste sur sa faim. Pourtant, quatre prix au festival de l'Alpe d'Huez (Prix du Public, Prix spécial du Jury, Prix d'interprétation féminine (Isabelle Carré), Prix d'interprétation masculine (Bernard Campan -c'est drôle(!) ce sont les vieux qui ont été primés, alors que les jeunots (Julia Faure, et, surtout -mais je ne suis pas objectif-, Pablo Pauly, étaient largement au diapason...-).
Bref, comme on dit par ici "comme les brochets, tout dans la gueule..." : un film qui promet (oralement) beaucoup plus que ce qu'il offre en réalité... Une volonté de "grand-publiquer" qui affadit (aseptise)le propos. Un gigot de sept heures qui promettait, pourtant, et qui, paradoxalement, manque un peu trop d'assaisonnement.

*

NOUS LES LEROY
de Florent Bernard

Tiens! Les "hasards de la programmation" nous envoient ce film qui, lui aussi...  a été primé au  festival de L'Alpe d'Huez (il a obtenu le Grand Prix). Contrairement au précédent si on commence -et on termine- dans le salon familial, on va heureusement, entretemps, voyager un peu (ça fait du bien de prendre l'air).
Comme dans l'autre film, un "vieux couple" (plus de 20 ans au compteur, deux enfants qui ont grandi), et Madame (Charlotte Gainsbourg -c'est pour elle que je venais voir le film-) annonce à ses grands enfants qu'elle envisage de se séparer de Monsieur (José Garcia, qui nous la joue sobre, et ce n'en est que plus plaisant)). Puis elle l'annonce à son mari, qui ne trouve rien de mieux que d'embarquer toute la famille en 4x4 pour un "week-end de la dernière chance", un genre de pèlerinage affectif au fil des lieux qui ont émaillé la naissance (et l'histoire) de leur couple, essayant ainsi de reconquérir sa belle... On va ainsi les suivre de lieu en lieu "pas forcément top" (le premier achélème où ils ont habité, un motel moche, un restau un peu glauque, un parking de supermarché, un square tristounet), avec à chaque fois un coup d'éclat narratif, un personnage qui détonne (le voisin au marteau, le maître d'hôtel relou, etc.) et embarque -et décale- la scène (et éloigne le père de son but roucoulant).
La distribution est très soignée (si le couple Gainsbourg / Garcia réussit à se rendre plausible, leurs enfants (Lily Aubry et Hadrien Haulmé) sont vraiment épatants, et rééquilibrent la distribution), et il ne faudrait pas oublier non plus Lyès Salem en collègue de boulot, ni, surtout, Luis Rego (qu'on ne voit plus tant que ça et c'est dommage) en papy-gâteau. Le film est bien construit, bien dosé, et largement à la hauteur de son Grand Prix (à noter qu'il a été dédaigneusement boycotté par la majorité de la critique (celle que je suis habituellement) : rien de Libé, des Inrocks, des Cahiaîs, de Popositif, du Moonde, pfff... seul Télérama s'y est collé, et a attribué **** : Bravo Téléramuche!)
La supériorité incontestable de ce film sur l'autre est qu'il ne brûle pas que ses cartouches d'humour, et sait, régulièrement, basculer dans l'émotion -et la tendresse- un peu, beaucoup, passionnément. Bien dosé, cuit à point, rosé à cœur, une recette réussie qui nous donne envie de nous resservir.
Un film très aimable, voilà.

 

20 avril 2024

paternité(s)

 

paternité(s)
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... oui j'ai revu UN MONDE PARFAIT, de Clint Eastwood, que je n'avais pas revu depuis longtemps et que je considère comme son meilleur film (et sans doute le meilleur de Kevin Costner aussi...) Merci Arte!
Je suis toujours très sensible (et réceptif) face aux films qui traitent du rapport père/fils et celui-là est quasiment un prototype de la catégorie : de la façon dont certains pères (mal)traitent leurs fils (et d'autres pas), de la façon dont les fils traitent leurs pères (biologique ou pas), ("Chacun cherche son père"). De la violence comme moyen de communication (maladroite). A ce propos, d'ailleurs, la seule chose dont je me souvenais précisément, c'était, déjà, à l'époque, la difficulté de croire que Kevin Costner incarnait un "vrai" méchant...
Je me souvenais juste que la fin avait lieu "sous un arbre" (cela faisait longtemps que je ne l'avais pas revu). Et c'est vraiment une très très belle scène finale. Jusqu'au coup de poing dans la figure et au coup de genou dans les couilles (si si...)
Je n'ai toujours pas vu SUR LA ROUTE DE MADISON, et donc je n'ai pas pu y pleurer comme les copines, mais avec celui-là, ça marche impeccablement, les larmichettes...

19 avril 2024

sans drillon 7

Au Japon
On aime la langue française – un peu employée au hasard, il faut l’admettre, par des boutiques à la mode ou des marques :
« Comme ça blanc d’œuf » (magasin de vêtements)
« Petit bit » (marque de gommes à mâcher)
« Jouir de bijou » (magasins de colifichets)
« Ruisselant de joie » (marque de lait)
« Co-labo » (enseigne de café)
La dernière est assez jouissive :
« Femme fontaine » (marque de perruques).

*

Les gens qui tendent leur télécommande au maximum, à bout de bras, vers la télévision, pour que la bête entende mieux le message.

*

– Vous avez très mauvaise mine, et pourtant vous riez.
– Je sors de l’hôpital. On m’a fait une coloscopie. L’anesthésie m’a laissé un peu groggy.
– C’est douloureux ? Pourquoi riez-vous ?
– Non, pas douloureux. La préparation est pénible. Il faut laver le côlon, voyez-vous. Le laver très bien ! Pour qu’ils y voient quelque chose. On vous demande donc de boire, dans l’après-midi de la veille, deux litres d’une boisson infâme, et en une heure. Deux litres en une heure ! Et de recommencer le soir après dîner… On passe la nuit à rejeter tout ça. Pas drôle. C’est à vous dégoûter pour la vie de boire une goutte de quelque liquide que ce soit.
– Alors pourquoi riez-vous ?
– Parce que je repense à ce que j’ai lu sur la notice du médicament qu’on dissout dans l’eau, dans toute cette eau qui vous gonfle le ventre.
– Et qu’avez-vous lu, qui vous fait rire ?
– Dans la liste des effets indésirables du médicament, il y en a un qu’on n’attend pas.
– Et qui est ?
– La soif. Oui, monsieur, la soif.

*

Ce fort des halles catalan, dans le film de Bigas Luna, qui casse des noix dans le pli de son coude, rien qu’en repliant le bras.

*

Claudio Magris, qui raconte à propos de Sissi : « Il y avait aussi [en elle] la poétesse, auteur d’un grand nombre de poèmes délicats et vaporeux, dont les vers, boiteux, lui étaient selon elle dictés de l’au-delà par Heine, par l’entremise d’un médium dont elle utilisait les services. Ce qui avait inspiré à un conseiller de la cour cette remarque spirituelle, malheureusement restée anonyme : “Force est de constater que Heine écrit moins bien depuis qu’il est mort.” »

*

Les saligauds qui prennent des After Eight et laissent, vides dans la boîte, les petites enveloppes noires. On croit qu’il y en a encore, et soudain la boîte est vide.

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Avant le vêlage, on entre son bras dans la vache, on sent le museau du veau ; si on lui tend un doigt, il se met à téter.

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Les belles étymologies.
Une cagne est un mauvais chien, notamment un chien paresseux. De là un cagneux, un paresseux. On a donc appelé cagneux les candidats au concours de l’École Normale Supérieure, connus pour passer deux ans dans une intensive oisiveté. Piqués, ils ont caché le terme moqueur sous une orthographe pseudo grecque : khâgne, khâgneux.

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Pour s’informer auprès du fisc sur le « droit à l’erreur », il faut se connecter sur un site nommé oups.gouv.fr. Oups, oui, oups.

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Le torchon, qui brûle entre les lesbiennes et les transsexuels – autrefois unis comme les doigts de la main dans une même série de consonnes : LGBT et la suite. Les lesbiennes reprochent aux hommes devenus femmes de se jeter sur le maquillage, les jupes moulantes, les cheveux permanentés, les talons aiguilles, autrement dit d’entretenir les pires stéréotypes sexistes. Si c’est pour rester hommes, répliquent-ils·elles, c’était pas la peine de se faire opérer.
En sorte que le torchon brûle aussi entre transsexuels : il y a ceux qui font tout pour avoir l’air de femmes, et ceux qui revendiquent une apparence de transsexuels : mâchoire carrée, rasage approximatif…
La question est : doit-on, peut-on, admettre des femmes trans dans les réunions de féministes femmes ? C’est un dilemme atroce. Il avive la querelle des féministes universalistes et des féministes intersectionnels…
Peut-on, doit-on, admettre les anges dans ce type de réunion, alors qu’on ne sait toujours pas de quel sexe ils sont ? Créons dans les universités, pour répondre à cette question, les angel studies.

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Patrick Besson, qui se demande « quel missionnaire a eu l’idée de la position ».

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Les plantes grasses, qui aiment une chose par-dessus tout : qu’on les oublie.

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Personne ne sait
Ce que signifie « discours amoureux », dans le titre de Barthes Fragments d’un discours amoureux. À quoi cela peut-il bien ressembler, un discours amoureux, même fragmenté ou fragmentaire ?  Comment un discours peut-il être amoureux ? On se perd en conjectures.

*

Bach, cantate BWV 197 :

Bien entendu, il ne faudrait pas prendre le post-copulationem pour le post-coïtum. Il s’agit ici de la « réunion du chrétien et de l’Église », et voilà tout d’un coup que le soufflé retombe. Post copulationem, animale triste.

*

Le moment de l’année où l’on trouve en même temps des cerises, des fraises et des framboises.

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Les gens dont on découvre qu’ils étaient encore vivants quand on apprend qu’ils viennent de mourir.

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Prière d’insérer des Contes du chat perché, de Marcel Aymé :
« Ces contes ont été écrits pour les enfants âgés de quatre à soixante-quinze ans. Il va sans dire que par cet avis, je ne songe pas à décourager les lecteurs qui se flatteraient d’avoir un peu de plomb dans la tête. Au contraire, tout le monde est invité. Je ne veux que prévenir et émousser, dans la mesure du possible, les reproches que pourraient m’adresser, touchant les règles de la vraisemblance, certaines personnes raisonnables et bilieuses. À ce propos, un critique distingué a déjà fait observer, avec merveilleusement d’esprit, que si les animaux parlaient ils ne le feraient pas du tout comme ils le font dans les Contes du chat perché. Il avait bien raison. Rien n’interdit de croire en effet que si les bêtes parlaient, elle parlerait de politique ou de l’avenir de la science dans les îles Aléoutiennes. Peut-être même qu’elles feraient de la critique littéraire avec distinction. Je ne peux rien opposer à de semblables hypothèses. J’avertis donc mon lecteur que ces contes sont de pures fables, ne visant pas sérieusement à donner l’illusion de la réalité. Pour toutes les fautes de logique et de grammaire animales que j’ai pu commettre, je me recommande à la bienveillance des critiques qui, à l’instar de leur savant confrère, se seraient spécialisés dans ces régions-là.
Je ne vois rien d’autre à prier qu’on insère
M. A. »

*

 

18 avril 2024

séance double chérie / chérie

053
SIDONIE AU JAPON
d’Élise Girard

(première séance) La grande Isabelle Huppert en écrivaine en visite au pays du soleil levant, du matin calme, et des cerisiers en fleurs, en compagnie de Kenzi Mizoguchi ("c'est un nom très commun au Japon"), son éditeur. D'hôtel en hôtel (c'est un tour promotionnel), de voiture en voiture (avec des cerisiers en fleurs par la vitre arrière), elle va faire la rencontre du fantôme de son défunt mari (un peu taquin, au début) "parce que c'est le Japon". Un film joliment atone, à l'image de son interprète principale (spoil : on la verra quand même sourire, à la fin), accompagné d'un joli piano mélancolique. ("Au Japon, on ne dit pas "J'ai envie de faire l'amour avec toi", on le fait..."). Plaisant, élégant, charmant (même drôle, par moments, assez souvent même), mais bon  un peu moumou quand même (Dominique dirait "deux de tension", je pense...). En tout cas un peu trop (re)tenu. Comment guérir le chagrin, comment "faire son deuil" en n conversations (l'éditeur japonais parle tout du long en français, et ça rajoute incontestablement au charme du film) et le fantôme du mari aussi parle avec un léger accent. Et c'est étonnant de voir Isabelle H. avec au pied des baskets lumineuses comme les gosses.
Au scénario (outre la réalisatrice) : Sophie Fillières et Maud Ameline.

054
LAISSEZ-MOI
de Maxime Rappaz

(deuxième séance) La grande Jeanne Balibar en couturière à domicile (avec une blouse à carreaux très Jeanne Dielman), mère d'un fils polyhandicapé, (Pierre-Antoine Dubey, impressionnant) qui prend le train (et le téléphérique) une fois par semaine, pour batifoler, dans un hôtel,  avec un homme, chaque fois différent, pour une nuit, sans lendemain. Elle s'occupe de son fils, qu'elle aime visiblement beaucoup, le reste du temps. Une routine bien établie (on se demande, au bout d'un moment, ce qui pourrait advenir pour la faire "dérailler", mais, on est dans un film, c'est normal, ça finit par advenir, et je ne vous en dirai pas davantage...).
Un film étrange, très connoté suisse, de plus en plus touchant, jusqu'à devenir bouleversant (et qui résonne longtemps dans la tête). Accompagné aussi, coïncidence, par un autre joli piano mélancolique, dont la dernière note résonnera longtemps après la fin du générique... Balibar est sublimissime, d'un bout à l'autre.
Pour le scénario (outre le réalisateur), le dossier de presse précise : avec la collaboration de Marion Vernoux et la participation de Florence Seyvos. (Quelle est la nuance ?)
Un film passé à la sauvette au Victor Hugo (3 séances à 15h40 et basta) et qu'on pourra j'espère reprendre dans le bôô cinéma
Top 10 pour la folle balibaritude.

 

17 avril 2024

axolotls et lucioles

(pour Philou, bien sûr)

"Le lac de Pátzcuaro est l’un des plus importants du Mexique, il couvre une superficie de 260 km², des îles émergent à la surface. Les Purépechas qui vivent là depuis plus de mille ans ont développé une culture pour laquelle la pêche et les forêts étaient primordiales. Ce printemps le lac est à son plus bas niveau jamais enregistré, il est en train de mourir. Les nappes phréatiques s’assèchent, l’érosion continue, des eaux nauséabondes et noires se déversent sans discontinuer.

Pour faire une enquête vraiment documentée, il faudrait que je risque ma vie, comme le font de nombreux journalistes mexicains qui travaillent sous la menace constante pour dénoncer la corruption du pays. Je resterai donc un peu vague, un peu schématique, mais je crois qu’on connaît cette chanson, qui se répète partout dans le monde.

Le Michoacán est une région agricole. C’est aussi une région dominée par plusieurs cartels puissants qui se servent de la culture de l’avocat et d’autres plantations rentables, comme la framboise, pour laver l’argent de la drogue et autres trafics et doubler leurs mises dans des exportations vers les États-Unis. L’avocat a besoin de beaucoup d’eau pour pousser. Donc, après avoir déforesté pour semer, on se sert dans des puits profonds dont le débit n’est pas contrôlé par les autorités. Il y a des lois mais on a trop peur de les faire respecter. Ceux qui essaient sont menacés, violentés, assassinés. C’est un cas parmi d’autres de la violence extractiviste qui se vit partout en Amérique latine, depuis les mines d’or ou de lithium, jusqu’aux produits de la mer ou de la forêt.

Ce lac, habitat de nombreuses espèces, a été pendant longtemps le dernier refuge d’un animal endémique fascinant, source de légendes et rêveries, l’achoque, une variété particulière d’ajolote ou axólotl (Ambystoma dumerilii). Cortázar raconte dans une nouvelle comment il a rencontré cet étrange batracien, de la taille d’un lézard, au corps translucide et à la tête triangulaire, aux yeux dorés, sans paupières, dans un aquarium du Jardin des plantes. Ces êtres immobiles et lents, qui ne font que regarder et penser, lui donnent l’intuition qu’il existe une vie différente, une autre façon de regarder. Dans le lac de Pátzcuaro, il arrive encore que des pêcheurs tombent sur l’un d’entre eux. Ils l’amènent alors chez les sœurs dominicaines qui, depuis cinquante ans, entretiennent un extravagant et désuet laboratoire d’élevage dans leur couvent derrière la basilique. Les scientifiques qui étudient cette salamandre préhistorique pour ses mystérieuses capacités régénératrices s’étonnent que dans des conditions si précaires ces femmes aient pu reproduire et maintenir en vie un être aussi fragile. Pour financer leur aquarium, et par tradition, elles en tuent quelques-uns pour faire un sirop réputé avoir des propriétés sur les maladies pulmonaires. Elles ont bien essayé de les réintroduire dans le lac une fois adultes mais ils ne survivent pas dans une eau si peu cristalline.

Quand je suis arrivée dans la région, il y a une quinzaine d’années, au début de la saison des pluies, on pouvait observer des myriades de lucioles. On peut rester là longtemps à se demander si leur scintillement veut dire quelque chose, si les insectes s’envoient des messages entre eux, ou si c’est juste une projection de notre part. Dans le sud de la France, quand j’étais petite, j’en ai vu quelques-unes. Maintenant c’est fini, il n’y en a plus. Ici non plus bientôt, il n’y aura plus de lucioles. Plus de lac, plus de lucioles, plus d’axolotl, si ce n’est en captivité dans des aquariums.

«Qu’est-ce qu’on perd quand on perd l’ajolote ?» demandait José Emilio Pacheco. Ce sera à nous, et à ceux qui viennent après nous, malheureusement pour eux, de répondre à cette question."
(Neige Sinno, Le Libé des écrivains)

 

16 avril 2024

sans drillon 6

La manière abrupte dont Racine commence une tragédie. Huit premières phrases :
« Le dessein en est pris : je pars, cher Théramène » (Phèdre)
« Arrêtons un moment » (Bérénice)
« On nous faisait, Arbate, un fidèle rapport » (Mithridate)
« Quoi ! tandis que Néron s’abandonne au sommeil,
Faut-il que vous veniez attendre son réveil ? » (Britannicus)
« Viens, suis-moi » (Bajazet).
Le spectateur est pris dans un mouvement qui a commencé bien avant le début, saute dans le train en marche. Noter la dilection de Racine pour un premier vers qui est une réponse à une question, prononcée ou imaginaire, mais posée avant le lever du rideau :
« Oui, je viens dans son temple adorer l’Éternel » (Athalie)
« Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle » (Andromaque)
« Oui, c’est Agamemnon, c’est ton roi qui t’éveille » (Iphigénie).
C’est ce que Péguy appelle l’« attaque en falaise ».

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Les obsolètes : le fichu de plastique transparent qu’on portait pour se protéger de la pluie, et qui se repliait d’un seul coup en accordéon lorsqu’on tirait sur les deux cordons. L’objet s’appelait une caroline. 

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Les belles étymologies
« Achtung bicyclette ! » C’était sous l’Occupation. Les Allemands placardaient des affiches ainsi titrées : « Achtung ! Bekanntmachung » (attention ! avis). On savait ce que voulait dire Achtung, mais Bekanntmachung était obscur. On a commencé par dire « bécane machin », puis « bécane », puis « bicyclette ».
Variante : « Achtung bicyclette pompe à vélo ! »
Variante : « Achtung cibyclette ! »

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Le mécontentement des producteurs du Mépris. Antoine de Baecque raconte (Godard, biographie, Pluriel) que le cinéaste finit par céder à leurs exigences, et signer avec eux un contrat, le 16 octobre 1963,
« qui prévoit l’adjonction de « trois scènes complémentaires d’une durée totale qui ne saurait être inférieure à six minutes et ne saurait excéder dix minutes », dont le tournage devra être « terminé au plus tard le 30 novembre 1963 ». Le cinéaste doit présenter auparavant un « développement détaillé, si possible plan par plan », avant le 24 octobre. Pour sceller cet accord, le 23 octobre, les producteurs lancent une campagne de publicité dans le métro parisien, affichant Bardot sur les murs et faisant monter l’attente du film.
« Godard a dû céder, et dépose à la date prévue une description extrêmement précise des trois scènes « où la personnalité de Bardot sera mise en valeur surtout d’un point de vue “sexy” ou érotique, aussi bien que faire se peut », dont un double est enregistré par maître Robert Badinter, l’avocat du cinéaste […]. La première séquence est « une scène d’amour entre Brigitte Bardot et Michel Piccoli, qui devra être faite de telle sorte que le spectateur sente un profond accord, autant physique que sentimental, entre les deux personnages » ; la deuxième prévoit que Bardot « s’offre à Piccoli et se dénude devant lui », conçue comme « un documentaire sur Bardot en tant qu’animal érotique, fait de plans ou de courtes scènes qui montrent Bardot dans plusieurs poses différentes, style Playboy. Ces plans illustreront le désir inassouvi de Piccoli pour la femme qui se refuse à lui et s’offre de façon méprisante. Ils seront commentés peut-être par un dialogue amoureux entre Piccoli et Bardot ». La troisième « devra donner au spectateur l’impression que Bardot vient de faire l’amour avec Palance ;  le spectateur doit voir que Palance la voit dans sa nudité. Le côté physique de Bardot sera mis en valeur davantage que celui de son partenaire. »
Ces trois scènes n’en feront qu’une, finalement : celle que nous connaissons.

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« Prendre garde à » : il faut le faire ; « prendre garde de » : il ne faut pas le faire.

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Le générique final de The Dreamers, de Bertolucci (2003), qui descend du haut de l’écran au lieu de monter. Erreur ? Parti pris éthique ? Manifeste politique ?

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La sidération de l’oiseau face au crotale. En lui se joue un terrible conflit cognitif : parce qu’il ondule, le reptile ressemble à un ver de terre, et l’oiseau voudrait bien le manger ; d’un autre côté, il est si gros qu’il serait prudent de prendre le large. Incapable de trancher entre le désir et la peur, l’oiseau ne fait rien, et se fait boulotter par le serpent.

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Barthes, qui oppose le livre « de plaisir » au livre « de jouissance ». Le livre de plaisir se déroule comme prévu, vous apporte le confort du connu (un roman policier, par exemple, meurtre-enquête-dénouement) : on s’y plonge ou replonge comme on retrouve de vieilles pantoufles. Le livre de jouissance dépasse ce qui était attendu, vous remue, vous remet en question, par son « jaillissement » surprenant.

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Les trous noirs, ainsi nommés parce qu’on pensait qu’ils n’émettaient aucune lumière, mais dont on a découvert que, précisément, ils en émettaient parfois des quantités astronomiques, c’est le cas de le dire. Et plus ils émettent de lumière et de particules, plus ils chauffent – alors qu’ils devraient refroidir.
Ils sont le seul endroit de notre univers (sans préjuger des autres) d’où l’on ne revient pas, même en remontant le temps. Des lieux où le passé n’existe pas.

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Les gens qui prétendent que l’iris de l’œil est le résumé du corps entier.
Les gens qui prétendent que le pied est le résumé du corps entier.
Les gens qui prétendent que l’intestin est le résumé du corps entier.
Les gens qui prétendent que l’oreille est le résumé du corps entier.
Et la nuque ? Et la rotule droite ? Et le trou de balle ?

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« J’assume. » Cette phrase de ministre fautif, cette hautaine affirmation, signifie en réalité : j’ai fait une connerie parce que je suis naturellement con. Mais la phrase est dite comme s’il suffisait de la prononcer pour que l’action commise ne soit plus une connerie ; comme si le verbe, magiquement, effaçait sa bêtise et lui accordait même quelque justification. Alchimiste naïf, le ministre prétend transformer la honte en fierté, le blâme en louange. En rhétorique, cela s’appelle antiparastase, cette antiparastase dont Muray a fait une sainte grotesque et « méconnue ».
J’assume, et je ne démissionne pas, et je continue comme devant (c’est le but de l’opération).

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