danse, danse!
deux spectacles de danse, deux jours consécutifs, déjà c'est bien, deux spectacles qu'on adore, c'est encore mieux
PIXEL
de Mourad Merzouki
Compagnie Käfig
On avait déjà vu ici son Boxe boxe, qu'on avait beaucoup aimé (un quatuor à cordes et des boxeurs, dans les cordes aussi), et les échos étaient plus qu'élogieux à l'égard de ce Pixel, plus ancien. Justifiés, les échos qu'ils étaient. Rarement j'ai eu, dans un spectacle de danse, le sentiment d'avoir en permanence la mâchoire tombante, comme un gamin (dans les gravures de vocabulaire) devant les vitrines de Noël. Bouche bée, oui. De par la danse, d'abord. Dix danseurs (dont une danseuse) plus une contorsionniste. Du hip-hop virtuosissime (bonheur 1) , sur une musique belle à pleurer d'armand Amar (bonheur 2) avec une création numérique de Adrien Mondot et Claire Bardainne (bonheur 3). Des "projections en 3d" dont on se demande souvent comment ça fonctionne (notamment l'interaction entre les "pixels" (les trucs électroniques qui bougent) et les danseurs) et qui provoquent souvent le même émerveillement qu'on pouvait ressentir, par exemple, devant les effets des premiers spectacles de Philippe Genty (mais sans doute, aussi, historiquement, celui qu'avait pu provoquer sur ses premiers spectateurs la projection de L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat. Première image animée ici, et première ninteraction réel/virtuel là. Montalvo et Hervieu, en leur temps, nous avaient déjà émerveillés avec l'intercation réel/vidéo, mais à l'époque c'était "juste de la 2d". On pouvait comprendre. Tandis que là...).
Mais ce qui est encore plus fort, c'est que cette virtuosité techinque est au service des danseurs. Comme la musique. Danse, musique, création numérique, on a toujours au moins une bonne raison d'être émerveillé. En plus j'étais avec Emma, juste à côté, et c'était bon de se sentir ainsi en communion lacrymale et émotionnelle. Oui, y a avait toujours une raison d'avoir la machoire qui se décroche et le coeur qui cogne... Tout était vraiment au diapason. Visiblement le spectacle a produit le même effet sur l'assistance entière (la salle était complète, et emplie par le "mieux-disant-culturel" de la ville voire de la région. Un grand moment.
BADKE
Koen Augustijnen et Rosalba Torres Guerrero - Les Ballets C de la B / Hildegard De Vuyst - KVS
Le lendemain, à Besac, une autre salle complète de chez complète, pour un spectacle qui était au départ plein d'interrogations. ballets C de la B ? ceux qui nous avait proposé, sous la direction d'Alain Platel, le fanfaramineux En marche, l'année dernière, au Théâtre Ledoux , Mais cette année, pas de Platel, pas de fanfares. Il est question de danseurs palestiniens... Le temps que la salle se remplisse à donf et que les derniers arrivants aient fini de tourner pour trouver leur place, ça commence. Noir ("très noir" me précise Dominique) et ça commence. Toujours dans le noir, un cri de femme, des pieds qui frappent le sol, des frappés de main. Ça continue, comme ça, black is black, pendant quelques minutes, les spectateurs sont un peu désarçonnés, puis la lumière finit par monter doucement. Ils sont là, dix, six hommes et quatre femmes, et ça commence doucement timidement presque, une des danseuses s'avance (tout le monde est en fond de scène) et fait sa petite chorégraphie, sans musique, accompagnée de ci de là par frappés de pieds et de main, puis une autre s'avance, fait de même, les autres regardent... On est un peu sur son quant-à-soi, on se dit mouais, et soudain la musique déboule, forte, entraînante, joyeuse, énergique, et les voilà tous qui s'y mettent aussi, avec des sourires grands comme des bananes et des yeux qui pétillent. Et une énergie! ça n'arrête plus, traversées, sauts, farandoles, sarabandes, c'est ahurissant tellement c'est intense. Ces gens-là mouillent vraiment la chemise (c'est visible) et ils ne s'accordent que très peu de temps de récupération (personne ne quittera le plateau). Jusqu'à ce qu'un genre de panne de courant (de coupure d'électricité) interrompe brutalement tout ce splendide remue-ménage. Juste une veilleuse, tout là-haut, et ça redémarre, doucement, on sifflote, on chantonne, on gigote. un peu d'inquiétude, peut-être, on fait avec les moyens du bord, et soudain tout redémarre, et musique, et lumière et farandoles et énergie... C'est sidérant. ces jeunes gens réussiront à nous raconter beaucoup de choses de leurs vies, la violence, les femmes, le foulard, la mort... Un spectacle beaucoup plus "nu" que Pixel mais au moins aussi efficace. Et j'ai re-adoré ça