LE JARDIN
de (et avec) Jean-Paul Lefeuvre et Didier André
Oh la merveille de spectacle que voilà!
A Besançon, c'était tellement complet qu'ils ont même rajouté un soir supplémentaire!
Pourtant d'habitude le mot "cirque" me fait fuir,alors que là, non non non!
De ces deux compères, j'avais vu le "Bricolage érotique" en ouverture de saison dernière, et j'avais craqué pour leur univers (et peut-être le sous-texte que j'en avais) : deux hommes, donc, deux corps plutôt (l'étroit et le large, le sec et le trapu, le nerveux et l'indolent) et des objets. Sans un mot ni un sourire (mais ce n'était pas nécessaire de l'afficher, ce sourire, tant il était omniprésent) mais avec une inventivité et une fantaisie délicieuses.
Je suis donc venu voir Le jardin avec impatience et curiosité. Il s'agit en réalité d'un spectacle antérieur, qui avait déjà été présenté ici il y a quelques années, et dont le succès ne s'est toujours pas démenti puisqu'ils venaient donc le re-présenter.
Un lieu (une serre) (ça débute en ombres chinoises avec la chanson "Petit homme c'est l'heure de faire dodo...") avec une fermeture-éclair, nos deux bonhommes (dont on ne verra qu'un dans un premier temps), et tout un tas d'objets auxquels ils vont successivement s'affronter (un magnétophone à cassettes, une brouette, un pavé, un seau et un tuyau d'arrosage, des cagettes, une part de gâteau, un journal...) dans un spectacle d'une drôlerie, d'une simplicité, d'une force tendre qui ne se démentent jamais. Ils s'affrontent aux objets, mais aussi l'un à l'autre, dans un rapport de rivalité perpétuelle, d'autant plus exacerbé que parfaitement muet..
Celui qui commande et celui qui exécute, celui qui mange et celui qui le regarde, celui qui est vêtu et celui qui est nu, celui qui fait et celui qui se repose, le spectacle joue successivement sur ces rapports d'affrontement, avec un message, finalement, aussi politique que sa forme est poétique. Jusqu'à un étonnant numéro de magie avec interversion des deux personnages quasiment à vue (je n'en suis toujours pas revenu...) où les rôles donc soudain s'inversent l'espace d'un instant , le temps d'un numéro (l'humilié devenant l'humiliateur -j'ai trouvé le numéro dit "du journal" absolument merveilleux) mais le temps de la revanche ne dure qu'un temps et tout rentre dans l'ordre...
Un spectacle chiadé dans ses moindres détails (jusqu'au point sur le i du mot fin, par exemple), avec des numéros millimétrés (jonglages, acrobaties) et des effets calculés au millimètre. On est partagé entre le rire et l'émerveillement.
Deux clowns tristes qui sans cesse s'épient, se défient, s'affrontent mais parfois aussi unissent leurs effort pour notre plus grand bonheur. Le seul moment où ils se touchent est un rapide numéro de trapèze, hop, comme ça, mine de rien, dont le trapu, une fois de plus, tentera de récupérer les honneurs.
Un bijou.