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lieux communs (et autres fadaises)
20 janvier 2016

glamourissime

CAROL
de Todd Haynes

Ah, Todd Haynes. Loin du paradis, I'm not there, Safe...
Ah, Cate Blanchet (Blue Jasmine, re-I'm not there.)
Si je rajoutais Ah Patricia Highsmith je serais en partie malhonnête puisque, si effectivement j'ai adoré lire tous ses romans, Carol est le seul que j'ai zappé (je l'ai déjà dit, je suis un vieux pédé sectaire, les histoires entre femmes, contrairement à la majorité des hétéros, ne m'intéressent pas trop, oui je mériterais des gifles, je sais bien, n'est-ce pas Brigitte et Annick...)
Mais là, alors là, je ne sais pas pourquoi mais j'en ai eu soudain une énorme envie, de ce film. Et j'ai donc enchaîné, juste après Et ta soeur. Deux films de lesbiennes à la suite, ouah, vieillis-je ? C'était rigolo, dans le hall de mon Victor Hugo chéri, il y avait une majorité de femmes qui attendaient pour la séance en question, des vieilles, des jeunes, des seules, des en couple...

Et le film commence, et je soupire d'aise, tellement c'est exquisement, divinement même, filmé. Nous sommes fin 1952, les gens font leurs courses de Noël, Jingle bells, tout ça... Dans un grand magasin, une bourgeoise en manteau de fourrure cherche un cadeau pour sa fille... Une grande blonde à la coiffure impeccable et au rouge à lèvres sublime, qui discute avec une jeune vendeuse brune affublée d'un bonnet de Père Noël... Et ce qu'elles ne se disent pas est bien plus éloquent que leur tractation "officielle" de cliente à vendeuse. Des regards, un petit signe de la main en repartant, une paire de gants oubliés sur le comptoir, et c'est parti(e)... (Ce n'est pas tout à fait la scène de début du film, mais c'est celle qui a donné naissance à leur relation.)
Je le redis, c'est divinement filmé. Dans cette Amérique des années 50 minutieusement (somptueusement) reconstituée, l'histoire de Carol et Thérèse va se dérouler en flash-back (on les a vues attablés au Ritz au tout début du film, et c'est là que le film les retrouvera, dans cette même scène, juste sous un autre angle, à la fin ou presque), tandis que Thérèse roule en taxi, et qu'on aperçoit juste son visage songeur, derrière une vitre embuée engouttée (moi aussi, quand je photographie, j'adore les gouttes sur les vitres).

Une histoire d'amour, du début à la fin (ou presque...). Carol est en train de divorcer, et son mari Harge aimerait bien la "récupérer", tandis que Thérèse est sur le point de dire oui à son soupirant et au mariage qui va avec... Chacun des deux hommes voit d'un assez mauvais oeil la naissance de cette relation, puis son enracinement, sa floraison. De visites en rendez-vous, Carol va finir par proposer à Thérèse de l'accompagner en voyage "quelque part, vers l'ouest...". Automobile, chambres d'hôtel ou de môtel, salles de restaurant, on voyage avec elles, on dine avec elles, et on est invité à assister à leur recontre "au sens biblique du terme" (je sais, ça n'est pas la métaphore ici la plus appropriée... Y a-t-il des lesbiennes dans la bible ?), tout en peau contre peau, en soupirs fiévreux et en draps froissés, c'est plutot soft et élégant (on n'est pas dans La vie d'Adèle et ses prothèses vaginales...). Mais l'amour au cinéma est pour moi bien plus affaire de suggestion que d'organes. Plus de mental que d'organique. Cate Blanchett et Rooney Mara y sont plus que parfaites, inutile de le préciser, et pas uniquement lors de cette cette scène, bien sûr.

En ce temps-là, on ne rigole pas avec les amours contre nature. Pas facile à exprimer ni à exposer en grand format et aux yeux de tous. D'où une série de variations sublimes de cadrages (dé- et re-, et même sur-) élégantissimes qui resserrent l'espace sur les personnages en ne leur octroyant souvent que le minimum requis. Elégant, glamour, raffiné, soigné, ce sont toujours les mêmes adjectifs qui me reviennent, mais le film est bien plus qu'une succession de cadrages réussis. Le lien entre ces deux femmes, (si intense malgré leurs différences, âge, rang social, expérience) y est décrit avec acuité, avec attention, avec précision, et Todd Haynes nous livre un double portrait féminin d'une belle force. L'une et l'autre. L'une par l'autre. A tel point que je me quasi-thérésifiais : plus le film avançait, plus je m'identifiais, plus j'avais envie de Cate Blanchett, de respirer son parfum délicieux, de son lipstick parfait, de sa façon de fumer, de son martiny dry avec olive, de sa conduite, de son regard. J'aime cette idéalisation d'un être que provoque l'amour qu'on lui porte. Et la force des certitudes que peut induire un premier regard, un premier échange de regards...

Mais tout n'est pas qu'amour en ce monde (surtout ce monde new-yorkais de 1953) et Todd Haynes se plaît à nous le rappeler constamment au fil de son récit : disputes (conjugales ou extra), avocats, clause de moralité, détective privé, constat d'adultère, obligation de soins, psychotérapeuthe... la procédure de "reconquête" engagée par son mari sera sans merci pour Carol (et sans pitié pour Thérèse).

Mais. A moins que. (Vertige de l'amour...)

Le film, à Cannes 2015, a rapporté un prix d'interprétation à Rooney Mara, et les deux femmes sont à cette heure encore en lice pour les Oscars...

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19 janvier 2016

sérénade à trois

ET TA SOEUR
de Marion Vernoux

J'ai commencé par celui-là, parce que Marion Vernoux (que je suis et que j'aime depuis Personne ne m'aime, justement), et aussi parce que la splendide barbe de Grégoire Ludig, dont la tête me disait quelque chose alors que son nom non.
Je m'étais amusé à une rapide analyse d'image à propos de l'affiche (Il est allongé entre Virginie Efira et Géraldine Nakache, et tout est vraiment vraiment fait pour montrer combien elles sont différentes (la couleur des cheveux, la coiffure, les lunettes, la tenue, les pieds nus) et tout ç est un peu scolaire mais se prête bien à l'exercice.) la seule chose qui n'apparaît pas sur l'affiche est qu'elles sont soeurs (et la seule différente que le graphiste n'a pu signifier est que l'une est lesbienne et l'autre pas).
Je venais d'apprendre (par Libé me semble-t-il, et "plan par plan" avait persiflé le critique) que c'était l'adaptation d'un film indé américain de Lynn Shelton, Your sister's sister -en français Mon amie sa soeur et moi, mouais...- dont j'avoue n'avoir jamais entendu parler, et donc j'y suis allé d'un oeil neuf. Aiguillonné par la magnifique barbounette de Grégoire Ludig je le répète. Et puis me disant que Marion Vernoux ne saurait jamais totalement me décevoir...

Et j'ai eu raison.
L'unique étoile critique décernée à l'unisson par Libé, Téléramuche, Critikat et le Monde est quand même sévère et un peu forte de café. J'ai connu des huis-clos bretonnants plus indignes que celui-ci... Un triangle amoureux avec ses pointes, ses médailles et ses saillies. Le barbu qui vient de perdre son frère (Ludig) se voit proposer par sa meilleure amie (Nakache) d'aller se mettre un peu au vert dans la maison bretonne de son père (et d'y préparer son concours de bibliothécaire). mais quand il débarque un soir dans la fameuse maison, il y trouve la soeur de sa copine, venue panser là une blessure amoureuse. Après un premier contact un peu... frais les voilà qui se retrouvent autour d'une bouteille de vodka (puis d'autres bouteilles, beaucoup d'autres bouteilles) jusqu'à ce que, bien bourrés, ils finissent par coucher ensemble. Ok, ça n'est pas follement original, mais on a vu pire (et c'est plutôt bien fait). Le lendemain matin, panique à bord lorsque débarque la soeurette (qu'est-ce qu'elle vient faire là, d'abord, hein , puisqu'elle l'avait "envoyé au calme"... aurait-elle eu une idée derrière la tête ?) Et le fameux triangle alors de nous montrer ses possibilités et curiosités géométriques, et , de quelconque au départ, de trouver progressivement son identité propre de triangle (rectangle, isocèle, équilatéral, à vous de choisir) spécifique.

Et le paysage breton est un cadre formidable pour situer (et contrepointer) cette comédie (2/3) sentimentale (un  petit petit tiers mais je voulais continuer à filer la métaphore du triangle). Même si je ne me sentais  pas a priori d'affinité particulière avec les deux actrices (un peu synonymes pour moi de "grosse comédie populaire" -souvenir douloureux de l'atroce Sous les jupes des filles, tout de même, pour Géraldine Nakache, la filmographie de Virginie Efira plaidant -Caprice- un peu plus en sa faveur.), je dois dire qu'elles sont impeccables de justesse. Excellentes (avec quand même un bonus pour Virginie Efira, plutôt touchante en lesbienne en quête de maternité). Et notre ami barbu tire aussi son épingle du jeu, pour un premier "grand rôle" au cinéma. Il assure (il porte avec autant de naturel -et d'aplomb- la cape cycliste rouge de chaperon barbu que le pantacourt à smiley.)

Voilà, j'ai passé un excellent moment, rien à redire sur ce film (la scène d'engueulade sur la passerelle du ferry restera un délicieux souvenir...). il ne me reste plus qu'à voir l'original, pour me faire une idée.

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l'une il la regarde et l'autre pas

18 janvier 2016

blondes (en principe)

Trois actrices que j'aime et que j'avais un peu tendance à confondre :

Cate Blanchett, Kate Winslet, Kirsten Dunst

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BLUE JASMINE (Woody Allen) / CARNAGE (Roman Polanski) / CAROL (Todd Haynes) / COFFEE AND CIGARETTES (Jim Jarmusch) / CREATURES CELESTES (Peter Jacskon) / I'M NOT THERE (Todd Haynes) / LES JARDINS DU ROI (Alan Rickman) / LES NOCES REBELLES (Sam Mendes) / MARIE-ANTOINETTE (Sofia Coppola) / MELANCHOLIA (Lars Von Trier) / SPIDER-MAN (Sam Raimi) / VIRGIN SUICIDES (Sofia Coppola) /
Qui a joué dans quoi ???
(je n'ai mis que des films que j'ai vus et aimés)

18 janvier 2016

paternité(s)

Journée de prévisionnement ACID / Diversité à Dole

3 films :

JE SUIS LE PEUPLE
d'Anna Roussillon

Déjà vu (et fort apprécié) à Belfort / Entrevues 2014. La réalisatrice (française) a posé sa caméra (Ozu en Egypte) pour filmer le quotidien d'un poignée d'habitants d'un village égyptien, pendant les "événements" (et la révolution) de fin 2011 à l'été 2013. ces gens assis, face caméra, et qui s'entretiennent avec la réalisatrice (qui est derrière, qu'on ne voit jamais, mais qu'on entend, et dont on partage le regard.

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L'affiche est assez laide (et confuse), je trouve, et risque de desservir le film

L'image utilisée à Belfort était me semble-t-il beaucoup plus forte (et donc efficace) :

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CRACHE COEUR
de Julie Kowalski

Un premier film... malcommode, portrait d'une adolescente pas sympathique du tout, qui agit toujours "contre" la situation en cours, systématiquement, tant et si bien qu'on est content quand, aux trois-quarts du film, son gentil papa (qu'elle n'appelle que "connard") finit par lui coller une tarte, (on lui en collerait bien aussi sec un autre pour la peine). Elle réussit quand même à fiche le bazar avec son père, sa petite soeur, l'ouvrier polonais qui bosse chez eux, le fils dudit ouvrier polonais, en accumulant les mensonges et la mauvaise foi... Le film a été tourné en grande partie en France, avec une dernière partie, en Pologne, souhaitée par la réalisatrice (il s'agit d'un premier film) "pour aller à rebours des clichés". Mouais...

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DE L'OMBRE IL Y A
de Nathan Nicholovitch

Celui-là je l'attendais (Hervé et Dominique m'en avaient dit grand-bien en revenant de Cannes, où il figurait dans la programmation ACID). On était prévenu(s) que "le debut était raide"... Il l'est, à plus d'un titre. Mirinda, un travesti prostitué français d'un certain âge est amené à rencontrer, au cambodge, aujourd'hui, une fillette cambodgienne, prostituée, (et mutique) avec qui il va faire une 'traversée" du pays. Le film est rude, cahotant, sans concessions, âpre, dense (plusieurs fils narratifs s'y nouent et entremêlent, sans qu'on en voie forcément, le dénouement -dénouage ?-) et soudain, au détour d'une scène, assez tard dans le film (la fillette tend  à l'homme ("le vieillard") les billets qu'elle a conservés jusque là, billets qu'il refusera) les larmes sont montées, sans prévenir, et sans que je puisse les arrêter. Et j'ai reniflé, comme ça, jusqu'à la fin, (qu'Idir nous avait qualifiée de "touchée par la grâce") et qui est parfaitement magnifique. C'est rare qu'un film me secoue à ce point-là (la dernière fois, c'était -déjà avec Dominique et Hervé- La guerre d'un seul homme, d'Edgardo Cozarinsky, qui n'a absolument rien à voir), et j'en étais  d'autant plus touché que nous avons  ensuite eu la chance de rencontrer le réalisateur (qui avait fait spécialement le déplacement) mais nous avons hélas dû repartir avant la fin...

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David d'Ingéo...

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et David d'Ingéo...

15 janvier 2016

diligemment

LES 8 SALOPARDS
de Quentin Tarantino

diligemment : (adv) Avc diligence, de façon diligente
diligence : (nf)
1
   véhicule hippomobile servant au transport de voyageurs 

2
   soin extrême, grande vigilance 

3
  
grande rapidité, promptitude 

Je viens  de le voir (enfin, il y a deux jours) mais j'apprends ce matin  incidemment par Libé que le film est sorti en 2 versions, une "normale" de 2h48 et une "plus longue"(de 3h02, y compris 6' d'entracte) réservée aux -rarissimes- cinémas qui projettent encore en 70mm, et déjà ça m'énerve un peu.
Il n'y a pas eu tout à fait autant de barouf médiatico-publicitaire (ce qui est un peu la même chose, non ?) que pour Starwarzmuche, mais presque... Bon, on s'est embarqués, avec Marie, lundi après-midi à 13h45 (séance dites "de retraités"), pour la dernière des 5 projos en VO, dans une grande salle étonnamment presque vide du bôô cinéma.
Le début est éblouissant, il faut le reconnaître : le générique se déroule sur fond de neige et face à un calvaire enneigé, et c'est parfait pour vous plonger dans l'histoire (et dans la neige) jusqu'au(x) cou(ps) (je vous aurai prévenus).

acte 1
Un mec tirant une charretée de cadavres (Samuel L. Jackson) croise la route d'une diligence transportant un chasseur de primes copieusement bacchanté (Kurt Russel) et sa prisonnière (Jennifer Jason Leigh, dont je n'ai pas eu l'occasion de dire depuis un certain temps combien  c'est une actrice que j'adore). Parlementeries et palabres diverses jusqu'à ce qu'on accepte le voyageur à l'iintérieur (sous conditions) et ses cadavres (ses économies, car il est aussi chasseur de primes) sur le toit. Palabres à nouveau (il est question d'une lettre écrite par le président Abraham Lincoln  en personne et que L. Jackson transporte sur lui comme une relique) jusqu'à ce qu'un incident, lié à ladite lettre, mette tout le monde à bord dehors, et que la diligence croise la route d'un nouveau voyageur égaré dans la poudreuse, qui se dit être le nouveau shériff de la ville où, justement, ils se rendent. Nouvelles parlementeries pour le laisser monter (sous conditions), et ça se met ensuite à blabater (plus ou moins) civilement (guerre de sécession, nordistes et sudistes, renégats, personnes de couleur, esclavagistes, etc.), mais le blizzard les a rejoints et les voilà obligés de faire halte pour la nuit dans la Mercerie de Minnie, où ils sont en principe attendus. Mais voilà que, quand ils arrivent, on les prévient qu'une autre diligence est déjà arrivée, et ses occupants installés et au chaud, et "on", c'est un Mexicain qui les accueille, expliquant que Minnie a du s'absenter mais que c'est lui qui gère la baraque provisoirement en son absence...

acte 2
Voilà tout notre petit monde dans la pièce unique qu'est cette fameuse mercerie... On se présente : en plus des quatre qu'on connait déjà (+ OB, le "chauffeur") se trouvent là présentement : un bourreau (celui de la ville où ils se rendent), un vieux général sudiste, et un traîne-savates qui a entrepris de rédiger l'histoire de sa vie. Et on recommence à parloter, à palabrer, à dégoiser, pendant que des tensions se font jour, des soupçons aussi, des rapprochements, des inimitiés, comme un bouillon de culture où les bactéries les microbes les virus et autres cochonneries se mettraient à proliférer de plus en plus au fur et à mesure que la température dudit bouillon s'élève. Et à devenir plus agressives, voire plus léthales.

Et c'est là que je vais m'arrêter de raconter, à l'instant où une voix-off (le deus ex machina) nous informe d'un fait qui s'est produit mais auquel on n'a pas assisté, qui va relancer l'action et l'intérêt qu'on lui porte, en re-regardant ce qui s'est passé sous un jour nouveau. Je précise encore que toutes les scènes d'extérieur continuent d'être sublimes (les neiges du Wyoming étant largement à la hauteur, question cinégénie, de celles du Minnesota, oui Marie, c'est là que se passe Fargo...). car il faut régulièrment sortir et (donc réentrer) dans la mercerie, et, à chaque fois reclouer des planches sur la porte d'entrée qui ne tient pas). Et la sauvagerie du blizzard sied parfaitement aux dimensions extrêmes de l'écran (j'avais parfois l'impression de ne pas tout pouvoir embrasser d'un seul regard...).

Car ça continue de parler beaucoup, ça se chipote, et puis finalement ça finit par dégaîner et pan pan en voilà un de moins (après une scène assez croquignolette -et quand même plaisante à l'oeil pour le PP -pervers polymorphe- que je suis- puisqu'on y voit -si je ne m'abuse- la toute première QV de l'oeuvre Tarantinesque (qui n'est pas spécialement réputé pour être gay friendly), qui illustre un récit en voix-off (car il s'agit d'un flash-back, le premier du film, mais pas le dernier, hihihi..) où il est longuement question d'un rapport buccal assez précisément décrit... (une histoire de chaud et froid).

Samuel L Jackson  va être amené à prendre les choses en main (les flingues, plutôt), après un autre incident malheureux (et plutôt ensanglantant, et on va rentrer alors dans la (longue) partie finale et trèèèèès ensanglantante, justement. On n'en est pas à repeindre tous les murs de la maison comme dans la scène finale de Django, mais tout le monde y va quand même de bon coeur. D'autant plus que surgit un nouveau flingue, d'une façon plutôt inattendue. (Ouch!) Marie trouve que l'ensemble c'est tellement exagéré que ça en devient presque drôle..." je serai plus modéré dans mes propos (j'avais quand même presqu'un peu la gerbe en sortant.)

On aura eu droit à un autre flash-back, pour préciser la situation, où se révèle toute le sens de la mécnaique Tarantinesque et son intelligence cinématographique. avant qu'il ne faille se décider tout de même à régler définitivement les conflits et les contentieux en cours, avec toujours autant de mots,de bam bam bam,  et de rouge éclaboussé (et c'est rien de le dire).

Les lumières se rallument, on vient de passer presque trois heures avec ces salopards (le masculin pluriel est grammaticalement requis, et globalement justifié, mais le nombre inclut tout de même une version féminine de l'adjectif (et je répète que Jennifer Jason-Leigh  -ExistenZ, Short Cuts, Last exit to Brooklyn, In the Cut, Miami blues- s'y révèle encore une fois grandiose et ne dépare pas questions couilles avec les mâles testostéronés du vivier habituel tarantinesque).

très bavard et trop violent, ou trop bavard et très violent , je n'arrivais pas à trouver une formulation satisfaisante (la seule chose dont j'étais sûr, c'est que ce n'était pas deux fois trop). C'est du vrai cinoche, c'est magistral, c'est vachement bien fichu, c'est bluffant, c'est à couper le souffle mais mais mais... Mais quoi, au fait ? Pourquoi reste-t-on avec un petit poil de soupçon de bribe d'instatisfaction ? Parce que, peut-être simplement, Tarantino nous a sorti le grand jeu tarantinesque, comme un sale môme qu'il est, mais qu'on en aurait voulu en même temps encore plus (de cinoche) et un peu moins (de palabres et d'hémoglobine). Il a respecté son cahier des charges (on a eu deux huis-clos, des mecs qui discutent le bout de gras, des références à l'Amérique, des hommages et des clins d'yeux aux aînés réalisateurs, de la musique d'Ennio Morricone, des corps atteints dans leur intégrité physique, des répliques qui font mouche (et des coups de flingue aussi). Peut-être, finalement, que juste on s'y habitue, à son petit fonds de commerce...

Mais l'image du début, avec cette diligence perdue au milieu de la neige et ce calvaire annoncé (en travelling arrière) revient, et on n'a qu'une envie, c'est de remonter dedans. Et fouette cocher! et ça serait reparti...

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(Jolie campagne d'affiches, non ?)

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(on va dire qu'il y sont tous, hein...)

14 janvier 2016

le procès

(fin de rêve)

demain sera un jour particulier à l'école : je dois (je ne comprends pas très bien moi-même vraiment de quoi il est question) transférer un certain nombre de mes élèves (ou anciens élèves , ) dans une autre classe, la classe de quelqu'un -pas nommé dans le rêve- qui aime bien se faire mousser devant les autorités, la preuve, ce matin-là justement, elle recevra un Inspecteur (peut-être même d'Académie ? ) pour tote la journée dans sa classe...
J'en parle avec une collègue (Catherine ?) et je lui dis en rigolant que j'ai justement prévu pour mes élèves un "emploi du temps-bidon", qui s'accorde - ô coïncidence- exactement avec celui de la personne qui va les accueillir (= "c'est du pipeau") mais en même temps je me demande comment cela va fonctionner, si je vais moi-aussi être obligé d'aller dans la classe, et de fonctionner en petit groupe, celui de mes anciens élèves. en fin de compte il n'y a qu'une élève, c'est Mellinah. Le jour est arrivé, je rentre dans la classe, mais en réalité c'est un procès auquel je vais assister. je monte sur une scène de théâtre, assez longue mais plutôt étroite, j'y suis accueilli par une jeune femme assez souriante, qui me fait signe de m'installer. Il ne reste plus qu'un vaste (et antique) fauteuil, en cuir, aux accoudoirs un peu craquelés, il est installé côté jardin, parallélement aux coulisses, pour pouvoir assister aux débats. Je vais m'y installer, un peu gêné d'avoir un siège si solennel, mais la jeune fille me dit en riant que le problème, avec ce fauteuil, c'est que, lorsqu'on y est, on a du mal à s'en extraire.
Je vérifie que, en contrebas, Mellinah est bien arrivée (la classe est rangée comme une salle d'audience, les enfants sont assis en rang, je la vois d'ailleurs installée, et je lui fais même un petit signe amical, elle a l'air de prendre ça plutôt bien.
Il y a déjà plusieurs personnes avec moi, sur scène, le procès va bientôt commencer. Arrive la dernière personne. c'est un homme politique très connu, en costume anthracite élégant (peut-être Chevènement ?), qui vient s'asseoir à côté de moi (il y a maintenant une chaise, je fais mine de me lever pour lui laisser le fauteuil, mais il s'assoie sur la chaise, à ma gauche, et, chose étonnante, me fait la bise comme s'il me connaissait (je me demande s'il ne m'a pas pris pour quelqu'un d'autre).
Les débats commencent.
Le costume de mon voisin est devenu comme un décor gigantesque, des flots de tissu gris, amples comme les rideaux d'un théâtre et j'y suis un peu perdu. Il est question des travaux d'une artiste. Elle fabrique des sculptures monumentales composées généralement de deux parties superposées, avec des inscriptions à chaque fois, qui évoquent des thèmes en opposition. j'en vois plusieurs, successivement. Ce sont des grands machins en plastique blanc, gigantesques, avec des écritures et un décor turquoise, les deux moitiés portent les mots "les grands fonds marins" (où l'équivalent) pour la moitié posée dessus et "le monde de l'air" (ou du ciel) pour celle qui sert de base. je trouve ça sympathique mais un peu systématique, comme procédé.
Je parle avec mon voisin, décidément très sympathique (c'est devenu un personnage public américain très connu, genre Henty Kissinger, et je suis d'ailleurs en train de le caresser, et à ma grande surprise ça n'a pas l'air de l'étonner, il ne réagit pas violemment, mais au contraire, m'encourage, en débouclant sa ceinture (...)
Il se lève alors, car nous entendons des gens chanter (pas très bien et assez fort) de l'autre côté (derrière) des coulisses, et il se lève pour aller voir de quoi il s'agit. Je devine à son geste qu'il a remonté son panatalon (sa veste grise est très longue, un peu comme une toge) et je suis rassuré, on ne verra pas ses fesses. Je me lève et je le suis, on est à présent dans une ruelle new-yorkaise , vraiment pas très large, à peine deux ou trois mètres, très rectiligne et longue (mais de l'autre côté, je sais que se tient toujours le procès).

Il rentre dans une des échoppes, en ressort, puis dans une seconde, où se tient une jeune femme aux cheveux courts, d'allure assez masculine, qui me dit assez fort qu'elle "peut aller les chercher..." (ça pourrait sonner comme une menace, mais je comprends qu'elle a dit ça sur le ton de la plaisanterie, d'ailleurs c'est une française exilée qui est venu ouvrir ce petit boui-boui aux Etats-Unis.)

13 janvier 2016

gosettes

JE SUIS A TOI
de David Lambert

Semaine Belge 2.3
Celui-là je l'avais déjà vu en dvd grâce à la gentillesse du distributeur Outplay, et j'ai pensé qu'il aurait tout à fait sa place dans notre Belge semaine. Et les hasards de la programmation font qu'il s'y imbrique à la perfection.

Un jeune prostitué argentin (Nahuel Perez Biscayart, parfait) se fait envoyer un billet d'avion pour venir s'installer chez un gentil gros boulanger belge (Jean-Michel Balthazar, tout aussi parfait) pour y (re)faire sa vie. L'ours barbu et la crevette à barbounette. Déjà, à l'oeil le couple est plaisamment désaccordé, et il va s'avérer assez rapidement que Lucas (le crevetton) recherchait avant tout un toit, et pas vraiment  l'affection (la tendresse, du désir) que lui témoigne Henry. Surtout que travaille dans la même boulangerie la pimpante Audrey (Mona Chokri, venue de chez Xavier Dolan).

Les choses ne se passent pas très bien entre Lucas et henry, le premier n'y mettant pas vraiment du sien, contrairement à l'autre, éperdu d'amour (ou d'espoir), jusqu'à une première mise au point, (et une menace de le renvoyer chez lui avec armes et bagages ) où Lucas essaye de faire un effort. mais les choses se compliquent encore. Lucas draguouille Audrey, Henry souffre mais fait contre mauvaise fortune bon coeur (il veut simplement ne pas passer pour un cocu, dans ce village belge où l'homosexualité du boulanger semble toute naturelle.) Et le scénario de David Lambert va suivre son cours (j'avais écrit son corps...) avec juste ce qu'il faut de pathos pour redonner un coup d'accélérateur à la fiction (la maladie), tandis qu'évoluent les relations entre chacun des trois personnages principaux.

Le film de David Lambert est d'autant plus réussi qu'il appelle un chat un chat (plus justement, une bite une bite, et qu'il n'hésite pas à le (la) montrer), et qu'il sait ancrer sa fiction dans un réalisme documentairement bien enraciné (la boulange, les fêtes traditionnelles, mais aussi les bars gay) mais en même temps qu'il sait s'en échapper à plusieurs reprises dans des scènes délicieuses qui ont tout l'air de bouffées délirantes (délicates aussi), toujours en lien, d'ailleurs, avec la musique : Henry qui danse dans son atelier en chantant "J'aime les militaires...", le même Henry, qui, bien plus tard, dansera en smoking et noeud-pap' dans le même atelier (avec Achille Redolfi, un autre nounours mal rasé lui, que Joseline avait reconnu (débusqué)  en soutane dans Au nom du fils), scènes auxquelles on peut rajouter celle qui se joue, toujours dans l'atelier, sur le Pour être aimé de toi, de Bourvil.

Tout ça avait tout pour être casse-gueule, mais David Lambert slalome habilement pour nous livrer un film digne et touchant. Et je trouve dégueulasse qu'il soit passé à la trappe de la critique (et de la sortie semi-clandestine) car il méritait vraiment mieux que ça.

(et je réalise que, le 26 août 2015 j'ai mis en ligne

une critique enthousiaste du même film (et que tiens j'avais déjà tiens utilisé les expressions un chat un chat et une bite une bite) que vous pouvez donc relire si le coeur vous en dit.

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12 janvier 2016

apocryphe

AU NOM DU FILS
de Vincent Lannoo

Semaine Belge 2.2

Celui-là c'est moi qui ai insisté un peu pour qu'on le prenne, ayant eu des échos plutôt enthousiastes de la part du peu de gens qui avaient pu le voir (la sortie française fut microscopiquemement frileuse, le distributeur ayant eu peur des représailles catho intégristes). Le film est effectivement une charge contre lesdits cathos.

Où une mère de famille catho bèce-bège (elle anime une émission de radio catho) perd successivement son mari (mort bêtement en stage commando catho anti muslims) et son jeune fils (suicidé de dépit amoureux après le départ de la maison du prêtre qui y était hébergé et a un peu abusé de lui) et devant le peu de réactions de l'église (d'abord son parrain curé - Philippe Nahon, excellent, plus vrai que nature-, puis l'évèque) décide de faire justice elle-même, s'emporte contre l'évêque et le tue un peu. Elle part en récupérant sur son bureau une liste de prêtres accusés de pédophilie et protégés par leurs supérieurs, prend le gros flingot de son mari, et s'en va à la chasse aux curetons. Et bam bam! va les dézinguer les uns après les autres.

Un réjouissant jeu de massacre que la deuxième partie du film et qui passe trop vite (la première par contre, peut sembler un peu longuette, tant elle donne l'impression de prendre son temps pour bien installer (enfoncer le clou hihi) la pieusité (c'est plus rigolo que piété) de son héroïne. Dont on a presque du mal à croire le revirement, tellement au début on la voit confite en dévotion (c'est exactement ça). La charnière se fait peut-être lors de l'enterrement de son fils, où une autre pieuse 'mais sérieusement illuminée de l'intérieur, celle-là) vient lui réciter du Ste Thérèse  de je ne sais pas quoi, dont le message est, grosso-modo, ça fait vachement du bien d'avoir mal, et c'est god qui l'a voulu.

Vincent Lannoo n'y est pas allé de main morte, et c'est tant mieux. Ca (me) fait toujours plaisir de voir dézinguer la religion (dans tous les sens) avec autant de virulence (et autant d'éclaboussures) et de jubilatoiritude (encore un que Téléramuche n'aura pas!). L'actrice principale (Astrid Whettnall)  est très bien dans ce rôle pas facile (imaginez une hybridation entre la Mme Le Quesnois de La vie est un long fleuve tranquille et la Uma Thurman de Kill Bill), j'ai déjà complimenté Philippe Nahon pour l'onctuosité de sa composition,  sans oublier, dans le rôle du Père Achille, par qui le scandale arrive (et qui nous gratifie d'une délicieuse chanson écrite par lui même, Chanter en anglais) le nounoursesque et pas rasé Achille Ridolfi, qu'on recroisera d'ailleurs le lendemain dans le Je suis à toi, de David Lambert (de même qu'on retrouve dans le rôle du fils suicidé Zacharie Chassériaud, un des Géants de Bouli Lanners)

J'avais cru comprendre que le film serait une grosse pochade très noire et azimutée dans le genre de C'est arrivé près de chez vous, mais c'est un peu différent. Il n'y a pas ici d'équivalent à la folie furieuse de Benoït Poelvorde. C'est aussi violent mais moins déjanté. L'attaque anti-religion est surtout une attaque anti-salopards et anti-cons, (et visiblement le réalisateur n'a pas inventé grand-chose, il n'a eu qu'à puiser dans les faits-divers et l'histoire récente de la Belgique.) Et le discours n'est pas si gratuitement nihiliste que ça. Si la religion est dénoncée, c'est par ses appels réitérés à la crédulité, au racisme, au mensonge, sans oublier l'omni-sollicitée générosité (croyant rime avec payant), et au bout du compte, l'addition finit par être salée. Si le doute (enfin, la croyance, la confiance, dans le doute) semble être une des bases de la doctrine, il y a des pilules bien plus amères et plus difficiles à gober (à gommer) en pratique, quand il s'agit d'évènements qui vous touchent vraiment, dans la réalité (du film).

Et Vincent Lannoo n'hésite pas à mettre le doigt dans la plaie, et regarder de près comment ça grouille, à l'enfoncer un peu pour voir si ça fait mal. Et jusqu'où. Sa proposition de nettoyage est un peu radicale, mais plutôt justifiée... Bref, ça éclabousse, mais  en vous regardant droit dans les yeux. Et même avec le sourire. Car si le film peut paraître parfois hésiter, et pâtit un peu du mélange des genres, s'il semble parfois souffrir d'un certain manque de rythme,  le système électrochoc + douche glacée s'avère plutôt tonique pour le moral du spectateur.
Et si en plus on vient vous chatouiller avec une plume (d'ange, certainement), ça mérite l'absolution, non ?

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(et je trouve l'affiche particulièrement réussie)

11 janvier 2016

qui êtes au cieux

LES PREMIERS LES DERNIERS
de Bouli Lanners

Semaine Belge 2.1
Pour le premier soir, une avant-première, que le distributeur nous a imposée  séance unique. Très peu d'informations ont filtré. Mystère. C'est dire si j'attendais ça avec impatience (le film sortira fin janvier).

Bouli, j'ai déjà dit combien je l'aimais. Et je peux rajouter combien on l'aime, tant il semble que ce sentiment était unanime, quand on a discuté à la sortie de la salle. On a programmé tous ses films ou presque ds le bôô cinéma (en tant que réalisateur, tous sauf Ultranova, en tant qu'acteur on a dû en louper quelques uns, tant sa carrière a été  boostée ces dernières années). Mais en parlant d'Eldorado, des Géants, ceux qui l'ont vu, on a des petites étoiles qui s'allument dans les yeux. Non seulement ce mec est adorable, mais le cinéma qu'il fait lui ressemble très fort.

Ici, Bouli réalise, mais il y joue aussi, Gillou, un genre de chasseur de primes un peu sur le déclin, qui bosse en tandem avec Cochise (joué par un Albert Dupontel sublimement -étonnament ?- sobre). Ils sont chargés par un mystérieux commanditaire de récupérer son téléphone, auquel il semble beaucoup tenir. Lequel téléphone (on l'apprendra vite) est en possession du jeune Willy, un jeune barbu (incroyablement beau), qui fuit en compagnie de la jeune Esther (dont on comprend assez vite qu'elle est un peu déficiente, ce qui sera un peu plus long à apparaître chez son compagnon) parce qu'il craint la fin du monde, et qu'ils ont tous les deux quelque chose à accomplir avant.

Le téléphone peut-être localisé grâce à un gadgetos électronique, et il va, au cours du film, changer maintes fois de mains. mais ce n'est pas, contrairement aux apparences, l'élément le plus important du film. Juste , à la limite, un genre de témoin, qu'on n'arrête pas de se passer.

Dès le début, la première image pré-générique, je soupirais déjà d'aise face à un ciel sublimement chargé (et j'ai dû soupirer "déjà la c'est beau...") reconnaissant immédiatement la patte (et le talent) de l'ami Bouli. Son sens de l'espace, du cadrage, de la composition est toujours aussi éclatant. Incontestable. Criant. Même si le contexte est cette fois légèrement différent de celui des films précédents, qui s'inscrivaient "clairement" dans une réalité contemporaine "normale", transcendée par le scope et les longues focales, mais toujours rassurante, d'une certaine façon. Étiquetée. Tandis qu'ici on n'est sûr de rien. Ni de où ni de quand. (On pourrait juste avancer "pas très loin" et "dans pas très longtemps", mais difficile d'être plus précis. Les cieux menaçants, les décors hallucinés (surtout ce monorail impressionnant où le réalisateur fait évoluer ses personnages), les friches industrielles, rien de tout ça ne semble particulièrement attractif. Comme le sentiment d'une menace diffuse mais perpétuelle. Comme s'il y avait, avant le début du film, eu un blanc (ou un noir) : quelque chose s'est passé, dont on ne parle pas, mais qui a laissé des traces. Bouli-dystopie ? (maintenant que je connais le mot -merci Dominique- il faut que je l'amortisse...)

On se retrouve dans un genre de western mâtiné  (légèrement teinté) d'anticipation (et peut-être un tout petit peu de fantastique ?) avec un "shérif", des bandits, une Calamity Jane gentille, un méchant très méchant, un gentil très mystérieux, bref tout un folklore cinématographique connoté, mais transbahuté ailleurs dans un no-man's land franco-belge, une quintessence west/terne où les chevaux seraient remplacés par des pick-ups (c'est là que réside la plus grosse différence) dans un pays à l'abandon ou presque, où il fait froid et humide, où chacun semble se démerder pour assurer sa survie et ne compter que sur lui-même (sauf le couple de tourtereaux fuyards en vestes de chantier et, symétriquement, la paire de chasseurs de primes, qui font mine d'un peu de considération pour l'autre) .

Et c'est fascinant comme tout ça fonctionne bien. (je viens de voir la bande-annonce sur allo-cinoche, et j'en avais les larmes aux yeux). Comme tout ça est bien mis en place, cet espace (j'adore les cadrages surprenants de Bouli Lanners, ses changements d'échelle, son optimisation (optimalisation ?) du scope), ces personnages (il faudrait tous les nommer, tous les féliciter, tellement ils donnent, tous, et tant l'homogénéité de leur performance consolide encore le film, en fait un casting rutilant : les deuc chasseurs, bien sûr - Bouli Lanners s'est donné un personnage malade, vieilli, très touchant, dont Dupontel se fait le contrepoint taiseux- , les deux jeunes aussi (j'ai déjà parlé de la beauté de David Murgia, et j'ai découvert qu'il m'avait déjà impressionné une fois, lors de la précédente Semaine belge, dans le sympathique Je suis supporter du Standard, de Riton Liebman, quant à sa partenaire, Aurore Broutin, elle m'a encore plus impressionné par l'intensité de son jeu. Philippe Rebbot, quant à lui (pas mal vu aussi ces derniers temps), nous la joue sans lunettes (pour se démarquer de ses personnages habituels) et tout en retenue (je vous laisse découvrir son personnage, mais "Je voudrais du chatterton et des colliers serflex...", ça va risque de me rester longtemps). Comme tout se répond dans cette Semaine Belge 2, on a -comme dans Je suis à toi- une actrice venue de chez Xavier Dolan, la très belle Suzanne Clément -dont on pourrait regretter un peu qu'elle ne soit que ça, dans le film, très belle- avec, en face, tout une galerie de méchants pas piqués des hannetons : Serge Riaboukine, Lionel Abelanski, Virgile Bramly -où l'on entraperçoit même même, barbu et furtivement, Fabrice Adde, le voleur trouillard d'Eldorado, du même Bouli-, qui tiennent consciencieusement (à la fois sérieusement et cartoonesquement) leur rôle de méchants, de Daltons dérangés et sans Rantanplan (quoique...), sans oublier, au zénith, magnifique clin d'oeil (enfin, clins d'yeux puisqu'ils sont deux), les deux cerises sur ce gâteau  cinématographique : Michael Lonsdale et Max von Sydow ("Il y a mes deux grands-pères qui m'attendent..." fait dire Bouli Lanners à son personnage) dans une très belle scène, et je crois que j'aurai presque tout dit sur la distribution et que je vais fermer là cette parenthèse interminable...), cet univers réfrigérant, angoissant,  où l'on est sans cesse en quête de la moindre petite étincelle de chaleur humaine.

Chaleur humaine (ça y est je vais encore pleurnichouiller), ça pourrait parfaitement résumer Bouli Lanners, (le bonhomme et le cinéaste). Ce qui fait que les sentiments, l'attention qu'on porte aux autres, l'amour, l'amitié tout ça, nous aident à supporter le reste. sans qu'il soit besoin de trop en dire.

Le film, je sais que je retournerai le voir quand il sortira "en vrai". Et je sais aussi que c'est le premier à entrer dans mon top 10 de cette toute jeune année 2016.

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un film où on pourrait croire que tout va par deux... c'est pour ça que je vous mets trois photos...

 

10 janvier 2016

murat(s)

LISIERES DU CORPS
de Mathieu Riboulet

Coïncidence(s) :le premier livre de l'année est à la fois la continuité et l'exact contraire de ce que fut le dernier (Histoire de ma sexualité), et réussit parfaitement là où son "opposé" avait échoué. Deux livres chacun d'un auteur gay (et tous deux qui le revendiquent, Arthur D. à ma droite, Mathieu R à ma gauche) qui, chacun, parlent à leur façon des hommes, de la sexualité gay, et, notamment, du désir.
Cela faisait un moment que je le  lorgnais, (que j'espérais secrètement me voir offrir), mais il restait désespérément pas soldé sur Priceministruche. Et voilà qu'un vendeur (au pseudo rigolo : fordubide) a eu la bonne idée de le mettre en vente à un prix raisonnable. Aussitôt vu, aussitôt commandé.
Et aussitôt reçu, aussitôt lu. (C'est un PLJ, petit livre jaune, de chez Verdier, collection connue pour lez talents rigolatoires de ses auteurs, -je plaisante-).

Plusieurs textes courts, (six) parlant donc des hommes, de leur corps, et du désir qu'ils inspirent. ("le corps des hommes", voilà qui devrait faire sourire certains de mes vieux amis, non ?, tant ce fut pour moi un sujet d'attention et de ressassement...). J'avais déjà lu un livre du monsieur (L'amant des morts, je crois) et j'avais déjà bien aimé, sans avoir pourtant prolongé l'expérience (c'est peut--être le sujet même du livre qui m'avait gêné).

Là je dois dire que j'ai ai été tout à fait séduit.
Six textes brefs, proches mais différents (évoquer une rencontre personnelle, ou ce qui aurait pu être une rencontre, décrire une photographie, retranscrire une situation, raconter une histoire...) avec toujours en commun cette écriture  dense, travaillée, soutenue, à la fois précise et lyrique, d'une lumineuse intensité, (sans qu'on ait, à aucun moment, le sentiment que l'auteur se regarde écrire (contrairement à Arthur D.) ou souhaite nous en mettre plein la vue). Ces phrases longues, sinueuses, mouvantes, avec des incises, des virgules et des répétitions comme celles que j'aime chez, par exemple, Jean-luc Lagarce, même s'il ne s'agit pas du tout ici de théâtre, ou peut-être justement d'une théâtralisation des rencontres, d'une scénographie du désir. C'est une langue qui sait se donner (mais qui se mérite, aussi).

Un masseur dans un hamman en Turquie, un jeune revendeur de beuh, un jeune homme avec son chien, sur une photo, dans les Pyrénées, un mec avec une béquille dans un sauna de Cologne, deux acrobates, le corps d'un serbe défunt... Six corps en question (sept en réalité, les acrobates sont deux) six intensités de regard, six potentialités de contact.

"Il faut avoir la force de s'arracher de là, de quitter la splendeur, de renoncer à elle, c'est à dire de rester rivé aux longs étiages où nous a déposés le désir éveillé et l'obligation faite de ne pas le combler."
(Murat)

"Rouler le joint promis, le prétexte officiel, le charger joyeusement, ne pas regarder à la dépense, le fumer en rêvant, d'amples bouffées pour l'un, d'autres, énergiques, pour l'autre, puis virer le t-shirt, s'allonger, s'accouder, ne tenir aucun compte des cotonnades passées qui saupoudrent le lit, la fenêtre, dans un moment le sol."
(Vouloir quelque chose)

"Il est, de manière générale, étrange, décidément, que nous ne devenions pas fous, plus nombreux, plus souvent, ou sous le poids des peines, des violences, des malheurs, ou sous celui, souverain, pléthorique, insensé que le désir suscite à chaque renaissance, c'est à dire constamment."
(Le nom du soleil en quechua)

"Rien ne s'est arrêté mais une suspension a saisi certains sens,un millième de seconde, soudain c'était comme si, même en ne changeant rien, rien n'était à sa place."
(Dimanche à Cologne)

Le plaisir de lire, simplement, se redoublerait alors de celui de lire à haute voix, tant c'est une écriture musicale, rythmée, alexandrine, scandée. Stylisation magnifique du désir pour un corps masculin. Lisières du corps pourrait bien devenir un livre de chevet.Petite

lisieres_du_corps

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