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lieux communs (et autres fadaises)
6 décembre 2009

peyotl

THE LIMITS OF CONTROL
de Jim Jarmusch

Radical. C'est le premier mot qui me soit venu en tête lors de la projection. Radicalement beau, radicalement différent, radicalement ailleurs. (Bon c'est vrai j'adore Jarmusch et je ne suis peut-être pas tout à fait objectif.) Le film a visiblement désarçonné pas mal de critiques et a visiblement été assez peu apprécié. Et pourtant...
C'est l'essence même du cinéma (que j'aime) qui coule ici lentement sous nos yeux ébahis. Jim Jarmusch nous l'annonce  dès le générique, la musique lancinante, le défilé de noms d'acteurs (ils sont rangés dans l'ordre chronologique, c'est commode, et on sait donc que, quand on verra Bill Murray, ce sera pas loin de la fin) et la petite citation de Rimbaud pour ouvrir les yeux et aiguiser les appétits. Jim est parti en vacance(s) en Espagne, et voici ce qu'il a a ramené...
Un film en forme de faux-semblant. D'apparence, on a sous les yeux l'exosquelette d'un polar standard (un tueur / un contrat à exécuter / des rencontres / des messages codés / une pin-up. / une exécution..) mais, à l'intérieur, ce n'est pas ça du tout, ou, peut-être, justement qu'en vrai il n'y a rien.
De l'espace, des pas, du rêve, des private jokes, des références à l'art (espagnol ?) sous ses multiples formes, et, surtout une structure qui s'apparenterait plutôt à la chanson (couplet / refrain / couplet / etc.) ou à la poésie (voire même au rêve), qu'au film proprement dit.
Le lonesome killer (Isaach de Bankolé, monolithique) marche beaucoup, s'arrête de temps en temps à une terrasse de café ou il commande two expressos in separate cups, et, au bout d'un certain temps vient s'asseoir à sa table un personnage (John Hurt, Tilda Swinton, Gael Garcia Bernal...) qui, après lui avoir invariablement demandé "Usted no habla español? " lui raconte sa petite histoire perso (à propos de la musique, du cinéma, de la peinture, de la science, de la guitare, des hallucinations...) tout en lui remettant une boite d'allumettes (rouge ou verte) qu'il échangera tout aussi invariablement contre une autre boîte d'allumettes  (verte ou rouge) qui est dans sa poche, dont il sortira un papier sur lequel est codé un message, papier qu'il mangera idem invariablement...
Cet "itinéraire" a un but : un américain à exécuter, retranché dans une forteresse protégée par des dizaines de gardes du corps. ("Comment avez vous fait pour entrer ? " "J'ai utilisé mon imagination..."). But qui sera atteint au terme d'un itinéraire tortueux (et pourtant rectiligne) où il s'est agi de ramasser des indices, des signes (la tour, le violon, le pain,etc.) avant de relancer les dés. Jarmush s'amuse, sur ce canevas minimaliste, à jouer de la répétition comme élément ironique (il ya toujours chez lui le même humour à froid, un peu distant) et en même temps à saupoudrer son récit de micro-éléments fictionnels (les diamants, l'affiche de film, l'enlèvement, le flamenco) avec lesquels le spectateur peut s'amuser à jouer s'il le souhaite.
Le spectateur regarde le film comme Isaach de Bankolé regarde certaines toiles au musée (Juan Gris, puis Antonio Lopes -oui, celui du cognassier dans Le songe de la lumière, de Victor Erice, film par moi chéri s'il en est-, pour finir par Antoni Tapiès (que j'aime énormément aussi) -dont il a curieusement choisi une des seules toiles "vierges", sans signes, juste un drap blanc noué aux quatre coins, comprend qui peut ou comprend qui veut). Un dispositif frontal, impliquant un face-à-face, une confrontation avec un univers dans lequel on peut entrer ou duquel on peut s'abstraire, et y rester juste sur le seuil.
Avec, comme dans les rêves, une persistance des visions, une répétition obsessionnelle de certaines phrases, entendues dès le début du film (une scène à l'aéroport assez drôle avec Alex Descas et Jean-François Stévenin) où, déjà, tout est dit, et sera pourtant répété, sous différentes formes et dans différentes langues...
Plutôt que comment raconter une histoire, Jim Jarmusch s'intéresserait à comment inscrire un corps, une présence, dans l'espace (le travail de cadrage est, comme chaque fois, impressionnant de virtuosité). Ce qui est un travail somme toute éminemment théorique peut néanmoins, et paradoxalement, être reçu juste sensoriellement et affectivement, comme une expérience hallucinogène forte et douce à la fois.
Encore une fois la musique a aussi une grande importance dans cette perception (les ambiances guitareuses  éthérées de Boris et Sun 0))) s'équilibrent avec un quintet(te?) à cordes de Schubert) ourlant ouatant cet univers español légèrement surex par Christopher Doyle le chef-op. Et on sort de là comme si on était un peu jeté dehors (circulez y a plus rien à voir, d'ailleurs l'ultime mouvement de caméra semble, à cet effet, coupé en plein élan) et que, porté par la force d'inertie, on prolongeait encore au-delà de l'espace stricto sensu du film la fascination dont on aurait fait l'objet.

19186758

4 décembre 2009

l'homme du jour

C'est incontestablement ce monsieur.
Il s'appelle Ron Yossef.

rabbin

(dsl la photo n'est pas très bonne, c'est un scan de la page 31 du Libé du 2 décembre, dans un long article  (2 pages) qui s'intitule " Vous avez devant vous un rabbin homosexuel" (la citation exacte, dans l'article est " "J'ai pensé que j'avais la responsabilité, comme juif et comme rabbin, de dire devant tout le monde : "Voilà, vous avez en face de vous un rabbin orthodoxe homosexuel. Maintenant vous ne pourrez plus dire que les homosexuels religieux n'existent pas.""
Chapeau.

3 décembre 2009

ce que je ressens

Voilà, depuis deux jours (depuis mardi midi, exactement) je re-sens. oui l'odorat m'est partiellement revenu, pour je ne sais d'ailleurs quelle mystérieuse raison (non non, je ne suis pas amoureux...), et, je le sais aussi, pour un certain temps hélas. Mon odorat m'apporte des messages, de façon discontinue certes, mais des messages tout de même. Le plus agaçant, c'est que je me suis comme qui dirait tout le temps en train de vérifier que je sens encore. Et que tout cela est faible, malgré tout, et discontinu.
Ca fait drôle de s'apercevoir (de se rappeler que) chaque endroit a une odeur spécifique, plus ou moins agréable (j'ai senti l'odeur du couloir, l'odeur de mon appart, celle de mon lit...) comme chaque personne aussi (quel plaisir de constater comme Marie ce matin sentait bon quand je lui ai fait la bise!).
Hier soir, il y avait un truc qui cuisait dans le four et je le sentais, vraiment. J'ai senti le goût du comté, celui du Bourgueil, du yaourt aux cerises, du beurre de cacahuètes, des oranges (dans ces cas-là je bouffe un peu n'importe quoi, il s'agit juste de "retrouver" le maximum de saveurs), et, paradoxalement découvert que cette soupe "aux légumes et semoule de couscous", que je croyais parfumée, n'en avait pratiquement aucun, de parfum.
Un peu déçu, aussi, ce midi au FJT, de constater que "mes" ouvriers en joyeuses bandes n'avaient aucun arôme spécifique, pas le moindre fumet viril comme j'aurais pu en  rêver (ou peut-être qu'il aurait fallu s'approcher davantage, intimement, et les humer, là, juste dans le cou...)
Voilà, ça ne va pas durer, je le sais, j'ai même le sentiment que déjà ça recommence à s'atténuer, mais en attendant, j'en profite...

3 décembre 2009

le bruit de la mer

A PROPOS D'ELLY
d'Asghar Farhadi

Idées reçues... Etonnant de voir un film iranien résolument inscrit dans une contemporanéité à laquelle on n'est pas habitué (pour moi, d'habitude, c'est essentiellement des histoires de gamins qui n'ont pas de souliers, de femmes voilées et maltraitées, de paysans marchant à côté de leur âne...), et voilà des 4x4 (pour faire plaisir à GB), des téléphones portables, des week-ends de rigolade au bord de la mer entre couples amis... Non, la middle class iranienne, on n'y est pas habitué.
Parmi ces huit adultes, et leurs enfants, il y a deux célibataires : Ahmad, (un charmant garçon, réglons  d'ailleurs une fois pour toutes le problème de ces messieurs iraniens "à poil dur" : ils sont, je le confirme, tout à fait mon type -d'ailleurs la syntaxe ne voudrait-elle pas que j'accorde et que j'écrive tout à fait mes types? - fin provisoire de la parenthèse), tout frais divorcé (tiens, d'ailleurs, on divorce, en Iran ?) et Elly, la charmante, rosissante, et si discrète institutrice de la fille de Sepideh (celle qui a tout organisé), que d'aucuns souhaiteraient voir tomber dans les bras l'un de l'autre. Car, après tout, on est quand même venus là pour ça, non ?
Ca commence dans une ambiance de Sautet iranien (qui se souvient de Vincent, Francois, etc. ?), en une longue et chahuteuse exposition (on voit même -mmmh- les messieurs qui dansent, avec cette troublante sensualité moyen-orientale qui s'exprime en mouvements de bras et de bassin...), jusqu'à -rupture dans le discours- un soudain climax émotionnel et aquatique (un peu surmédiatisé, peut-être ?) : l'un des enfants manque de se noyer, qui va en dévoiler un autre : Elly a disparu.
Noyée ? On la recherche, en vain. Vexée ? Repartie à pied ? Son sac est encore là, et son portable aussi.  On s'interroge... A chaque fois, Sepideh, l'organisatrice (et entremetteuse) est en cause... Dans le groupe, ça s'engueule, sur la suite des évènements, la tension monte, certains frappent leur épouse, d'autres flippent, veulent repartir à Téhéran toutes affaires cessantes, d'autant plus qu'Elly semble de moins en moins être ,en réalité, la jeune fille discrète obéissante et bien rangée qu'elle paraissait. La voici fiancée, émancipée  (ses parents ne sont pas au courant), prise en flagrant délit de mensonge, de dissimulation... Ce qui n'est pas fait pour plaire aux différents membres du groupe (les mâles, mais pas que), d'autant plus que -aïe aïe aïe!- voici le fiancé (et non le frère comme elle avait voulu le faire croire) qui arrive pour demander des comptes, au tout du moins qu'on lui explique ce qui s'est passé.
(Parenthèse "iraniens jolis ": celui-ci est vraiment un amour de (entre loukhoum et roudoudou... quelqu'un connaitrait-il un nom de bonbon iranien ?) sur pattes, oeil de gazelle en sus -on ne comprend pas d'ailleurs comment on pourrait bien avoir envie de le larguer...- on a juste envie de le caresser tellement il a l'air à poil doux) dans une dernière partie qui est peut-être celle qui m'a le plus touché, où le réalisateur met en place cet affrontement entre cet homme et le groupe des amis, entre un amoureux et ses (dés)illusions (le face à face final dans la cuisine avec Sepideh m'a vraiment bouleversé), dans sa recherche de la vérité, jusqu'à la révélation finale (qui n'est pas vraiment une surprise mais clôt dignement le chapitre.)
Le film, tel qu'il est, je le répète, m'a beaucoup plu (et pas uniquement à cause des messieurs à poil dur je le répète aussi), montrant qu'il est possible de parler de l'Iran d'aujourd'hui sans misérabilisme folklorique (mais d'aucuns déploreront sans doute cette mondialisation cinématographique, en quelque sorte... vont-ils trouver quand même leur compte de mêêrveilleux paysages ?), que les problèmes entre hommes et femmes sont un thème universel (et l'amour aussi), même s'ils revêtent là-bas une spécificité que nous autres ici ne sommes pas forcément à même de comprendre, et que, finalement, un bon réalisateur est toujours un bon réalisateur, d'où qu'il soit. Je ne connaissais pas Asghar Farhadi,  mais j'avoue que ce film a suffisamment piqué ma curiosité pour que j'ai envie d'en voir autre chose. C'est vraiment très bien filmé, je trouve, et, alors que j'étais vraiment crevé, j'ai trouvé la force de ne pas me laisser aller et de ne pas fermer l'oeil ne serait-ce qu'une seconde. L'Iran est un pays qui a été ces derniers temps sous les feux de l'actualité, pas pour des raisons très joyeuses, mais ce film a l'honnêteté de tenir sa note propre, et juste, en se tenant sans cesse dans un  équilibre (il n'est jamais, par exemple, question de religion) pas forcément facile.

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