L'ASSASSINAT DE JESSE JAMES PAR LE LÂCHE ROBERT FORD
d'Andrew Dominik
Je n'aime la maladie western qu'à travers les anticorps que périodiquement elle suscite : Silverado, de Lawrence Kasdan, Jeremiah Johnson, de Sydney Pollack, Dead man de Jim Jarmush. (Où l'on entend alors parler volontiers d'anti-westerns) Films longs, ou lents, ou barrés, ou tout ça à la fois, qui triturent les poncifs du genre et récrivent ainsi les légendes de l'ouest à leur sauce (voire leur sauce originelle). Les antimythes, quoi (parfumés au bois de cèdre ?). Dans ces films-là, j'aime les gueules, les barbes, les corps fatigués, la boue, les flingues comme substituts phalliques. Les histoires d'hommes, quoi. (Désolé, mais ici le sous-texte gay est tellement évident et insistant qu'on ne voit plus quelui, et que nos héros s'en font quasiment un manteau de fourrure!)
On est ici pile poil (!) dans cette mouvance-là. Brad Pitt incarne un Jesse James un peu malade, un peu caractériel, un peu dépressif, bref, juste comme vous et moi, quoi. Qui va se faire flinguer dans le dos par un Robert Ford (le Casey Affleck de Gerry, voui voui!) un peu timide, un peu lâche, un peu admiratif, un peu mal dans ses pompes (comme vous et moi aussi quoi!)
C'est excellemment fait (on démarre avec des nuages qui bougent comme chez Van Sant, une nature filmée avec amour et en plan large comme chez Malick...), la distribution est par-faite, bref, on savoure. Surtout quand (c'est pas souvent que je tombe amoureux au cinéma, mais là, plouf! direct! ce fut le cas) apparaît un des comparses de la bande à Jesse, un nommé Dick Liddle (dans le film) interprété par un certain Paul Schneider (jusqu'ici inconnu au bataillon), qui me fit tomber la mâchoire de saisissement dès cette première scène, où il bouffe un genre de ragoût en évoquant ses galipettes avec des squaws, tout en léchant sa cuillère de la plus émouvante des façons.
On se perd bien un peu au début, (et par la suite aussi), dans les généalogies familiales (qui est le frère de qui et le cousin de qui d'autre et qui n'est pas copain avec qui étant donné que le frère d'on ne sait pas qui a fait du mal au cousin d'on en sait pas qui d'autre) mais grosso modo on se laisse porter (même si on n'a pas vraiment tous les éléments)
Le parcours édifiant de Robert Ford, le jeune homme trop bien trop propre trop admiratif des aventures des frères James (mais surtout de Jesse), et qui fera tout pour devenir membre du gang, puis ami et confident, quitte à en payer le prix en devenant son "lâche assassin", parce qu'il y avait entre eux trop de points communs, et qu'il aurait eu envie de devenir l'autre, on le suivra pas à pas, dans la boue, dans la neige, dans les bois, de galopade en attaque à main armée, de baraque branlante en saloon, et même jusque sur les planches, dans une surprenante et finale mise en abyme de l'histoire qu'on vient juste de voir se dérouler quasiment "en vrai". (Clin d'oeil ironique à la vanité de l'entreprise ?)
Peut-être un poil longuet tout de même (surtout qu'on ne voit plus mon Dick Liddle chéri chéri pendant la dernière partie, et que c'est dommage, ce qui n'est certes pas, je le reconnais, un critère exhaustif!)
Wild wild west...